Aujourd'hui, les quelque 145 000 électeurs français qui vivent en Amérique du Nord sont invités à choisir un député qui les représentera à l'Assemblée nationale. Pour ce poste, 12 candidats qui ont mené une chaude lutte, de Montréal à San Francisco.

Moins d'un an après avoir élu pour la première fois une députée pour les représenter à l'Assemblée nationale de l'Hexagone, les Français de la diaspora, vivant au Canada et aux États-Unis, sont à nouveau appelés aux urnes aujourd'hui.

Douze candidats sont en lice pour remplacer la députée socialiste disqualifiée dans l'immense circonscription qui s'étend de Los Angeles à Terre-Neuve.

«C'est 40 fois la superficie de la France», note Frédéric Lefebvre, candidat pour l'Union pour un mouvement populaire (UMP). Ancien secrétaire d'État pendant la présidence de Nicolas Sarkozy, ce dernier brigue pour la deuxième fois le poste. En juin dernier, il s'était incliné devant la candidate socialiste Corinne Narassiguin.

Élection annulée

Cependant, tout juste quelques mois après avoir intégré cette nouvelle fonction, Mme Narassiguin a vu son élection annulée par le Conseil constitutionnel qui a relevé des irrégularités dans ses comptes de dépenses. Démise de son poste, la socialiste n'est pas éligible pour la présente élection.

C'est un de ses proches collaborateurs, Frank Scémama, qui représente cette fois-ci les Socialistes sur le bulletin de vote.

«À la dernière élection, le Parti socialiste a choisi une Française qui vivait en Amérique du Nord comme candidate, alors que la plupart des autres partis ont choisi des élus de France pour briguer ce poste de député. Et ils ont perdu», note le candidat socialiste. Il a lui-même vécu plus de six ans à Montréal avant de rentrer en France l'an dernier. Tout au long de sa campagne, qui l'a porté aux quatre coins de l'Amérique du Nord, il a fait valoir cette expérience locale.

Candidat basé en Louisiane, Damien Regnard croit que la bataille pour le siège de député de l'Amérique du Nord opposera à nouveau deux camps: «les parachutés» de Paris et les candidats issus de la diaspora.

Installé aux États-Unis depuis des décennies, M. Regnard voulait représenter l'UMP en terre américaine, mais le parti en a décidé autrement, accordant sa confiance à nouveau à Frédéric Lefebvre.

M. Regnard n'a pas baissé les bras pour autant et se présente sous la bannière de l'Union locale du centre et de la droite. «Nous sommes en opposition aux politiciens parachutés de Paris, à la recherche d'un strapontin. C'est une insulte aux Français vivant ici. Si je ne suis pas élu, je rentre en Louisiane, je ne serai pas maire en Auvergne», ironisait-il lors d'une conférence de presse, en faisant du coup référence à Louis Giscard d'Estaing, fils de l'ex-président français, candidat de l'Union des démocrates et des indépendants (UDI) et actuellement maire de la municipalité de Chamallières.

Le principal intéressé rejette du revers de la main le qualificatif de «parachuté».

«L'analyse que font les autres candidats ne me concerne pas. J'ai vécu et travaillé aux États-Unis», note-t-il, en rappelant aussi que sa femme, morte il y a un peu plus d'un an, était Américaine. «J'ai des liens personnels très forts avec l'Amérique du Nord», ajoute M. Giscard d'Estaing, qui comme plusieurs de ses rivaux, a arpenté l'Amérique du Nord de long en large au cours des derniers mois, tentant de mener une campagne de proximité.

Il note que celui qui remportera le siège, nonobstant son lieu de résidence actuel, n'aura d'autre choix que de s'installer à Paris après son élection. «Comment peut-on vivre en Amérique du Nord et être à Paris quatre jours par semaine pour siéger?», demande-t-il.

Aux urnes, citoyens

C'est aujourd'hui de 8h à 18h que les Français résidant en Amérique du Nord feront entendre leur voix. À Montréal, le vote se déroulera au Collège international Marie de France (4635 chemin Queen Mary). Si un candidat ne reçoit pas la majorité des voix, un deuxième tour aura lieu le 8 juin.

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Une élection contestée

Le Canada, une circonscription française ? Le premier ministre Stephen Harper n'aime pas du tout le concept.

Craignant l'interférence politique, le gouvernement conservateur refuse toutes les demandes d'États qui veulent inclure le Canada dans leurs circonscriptions électorales extraterritoriales depuis 2008. « Nous nous attendons à ce que les élections prévues au Canada soient pleinement conformes à la politique canadienne », a dit à La Presse une porte-parole du ministère des Affaires étrangères, interrogée sur l'élection partielle d'aujourd'hui.

Malgré ce règlement cependant, le gouvernement n'a pas freiné la tenue d'élections sur son territoire dans le passé. « Nous sommes dans un flou artistique, note François Lubrina, un des conseillers élus à l'Assemblée des Français de l'étranger, une institution qui a précédé la création du poste de député à l'Assemblée nationale. « L'an dernier, nous avons tenu le vote. La Gendarmerie royale n'est pas intervenue, ironisait M. Lubrina en conférence de presse. Le problème, c'est que l'incertitude démobilise les électeurs ».

L'an dernier, près de 80 % des électeurs inscrits n'ont pas voté.

Les principaux candidats et leurs idées

Louis Giscard d'Estaing

> Parti: Union des démocrates et indépendants (UDI)

> Maire de Chamallières, en Auvergne, cet ancien député est aussi le fils de l'ex-président français.

> Plateforme: s'il est élu, M. Giscard d'Estaing promet de se battre pour contrer la double imposition des Français vivant à l'étranger. Il veut aussi améliorer l'accès aux écoles françaises.

Photo fournie par la campagne électorale

Frédéric Lefebvre

> Parti: Union pour un mouvement populaire

> Ancien secrétaire d'État sous Sarkozy. A été battu par la candidate socialiste aux dernières élections.

> Plateforme: le candidat de l'UMP a mis sur pied l'Âme nord. Cette association, comptant des représentants dans les principales villes d'Amérique du Nord, servira de pont entre le député et les Français d'Amérique si M. Lefebvre est élu. Il veut aussi combattre la surimposition des expatriés.

Photo fournie par la campagne électorale

Franck Scémama

> Parti: Socialiste

> Ancien bras droit de la députée socialiste dont l'élection a été annulée, Frank Scémama, spécialiste de l'informatique de gestion, a vécu à Montréal de 2005 à 2012. Il est rentré en France l'an dernier pour des raisons familiales. En 2009, il a été élu conseiller à l'Assemblée des Français de l'étranger.

> Plateforme: Le candidat socialiste aimerait que la France s'inspire du modèle québécois pour revoir son rapport à l'immigration. Il aimerait aussi amener le gouvernement à revoir sa politique fiscale pour les expatriés.

Thierry-Franck Fautré

> Parti: Front National

> Entrepreneur basé à Miami, Thierry Franck Fautré représente le parti de Marine Le Pen.

> Plateforme: le candidat du FN est critique de l'Union européenne et veut mettre en place une politique protectrice française. Il s'oppose au mariage pour tous et dénonce le biais politique des juges français.

Damien Regnard

> Parti: Union locale de la droite et du centre

> Vivant en Louisiane, cet homme d'affaires de 47 ans et conseiller élu de l'Assemblée des Français de l'étranger, s'est divorcé de l'UMP pour briguer les suffrages.

> Plateforme: M. Regnard croit que l'entente Québec-France sur la reconnaissance des diplômes doit être améliorée. Il s'inquiète aussi des problèmes d'émission de passeports pour les Français vivant au Québec.

Les autres candidats

> Nicolas Druet (Mouvement démocrate)

> Nicolas Rousseaux (Force républicaine)

> Cyrille Giraud (Europe écologie des Verts)

> Véronique Vermorel (Parti pirate)

> Céline Clément (Parti communiste)

> Pauline Czartoryska

> Karel Vereycken (Solidarité et progrès)

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Les Français à l'étranger

Environ 65,8 millions: population française

2,5 millions: nombre de citoyens français vivant à l'étranger

577: nombre de députés français à l'Assemblée nationale

11: nombre de députés représentant les Français de l'étranger

Les élections françaises en Amérique du Nord

156 000 électeurs inscrits

Les principales diasporas françaises nord-américaines:

46 500 à Montréal

22 500 à New York

15 100 à Los Angeles

12 500 à San Francisco

9300à Washington

7900 à Québec

Photo François Lafite, Photos In