Le premier ministre chinois Li Keqiang sera reçu dimanche à Berlin par la chancelière Angela Merkel, seule dirigeante de l'UE au programme de sa première tournée à l'étranger, les deux puissances exportatrices cherchant à renforcer leurs liens et apaiser les tensions commerciales sino-européennes.

Après des arrêts en Inde et au Pakistan, le chef du gouvernement chinois effectuait une visite en Suisse jeudi et vendredi pour faire avancer un accord de libre-échange entre les deux pays, en négociation depuis 2011.

De samedi soir à lundi, il séjournera en Allemagne, une unique étape parmi les 27 pays de l'UE qui montre que Pékin entend soigner sa relation spéciale avec la première économie européenne, selon des analystes.

L'Allemagne est de loin le plus grand partenaire commercial européen de la Chine. Le marché chinois est un débouché essentiel pour son industrie automobile et ses machines-outils, notamment.

Les échanges entre les deux pays ont atteint 192 milliards de dollars en 2012, selon les chiffres officiels allemands et Volkswagen, leader du secteur automobile européen, a annoncé en mars qu'il prévoyait de construire 7 nouvelles usines en Chine où la marque a vendu 2,81 millions de véhicules l'an passé.

La visite de M. Li commencera par une visite de Potsdam, proche de Berlin, et du palais de Cecilienhof où Staline, Truman et Churchill tinrent en 1945 une conférence visant à façonner l'après-Seconde guerre mondiale, en Europe et en Asie.

Mme Merkel qui en août avait visité la Cité interdite avec Wen Jiabao, le prédecesseur de M. Li, le recevra ensuite avec les honneurs militaires à la chancellerie.

«Du côté allemand, il ne s'agit que de commerce. L'Allemagne voit essentiellement la Chine comme un vaste marché d'exportation dont elle est de plus en plus dépendante», estime l'analyste Hans Kundnani, du Conseil européen des relations étrangères.

L'an passé, en l'espace de sept mois, la chancelière s'est rendue deux fois en Chine. Et lors de son deuxième voyage, elle était accompagnée de patrons de plusieurs grands groupes, comme Airbus qui a signé un contrat de 3,5 milliards de dollars pour 50 appareils.

De leur côté, «les Chinois voient en l'Allemagne l'Europe qu'ils souhaitent, c'est-à-dire une Europe qui reste en dehors de la rivalité entre la Chine et les États-Unis», estime M. Kundnani.

Berlin confirme en tout cas son statut de destination phare au sein d'une Europe en crise depuis trois ans.

Cette visite intervient dans un contexte de bataille commerciale entre Pékin et Bruxelles, l'UE réfléchissant notamment à la mise en place d'une taxe anti-dumping sur les importations de panneaux solaires chinois.

Mme Merkel avait affirmé à Pékin qu'elle ne soutiendrait pas la demande des producteurs de panneaux solaires européens d'imposer des tarifs pénalisants à leurs homologues chinois. Et cette semaine, dans le «Welt am Sonntag», le ministre de l'Economie, Philipp Rösler, a mis en garde contre de possibles représailles de Pékin, se faisant l'écho des inquiétudes du lobby industriel allemand.

Dans l'hebdomadaire «Die Zeit» publié jeudi, Li Keqiang a loué l'excellente collaboration économique des deux pays, estimant que «les résultats obtenus jusqu'ici ne sont qu'un début». «Un dialogue actif peut permettre une meilleure compréhension mutuelle et les efforts pour tenter de comprendre l'autre peuvent renforcer la confiance», a-t-il ajouté.

Selon M. Kundnani, si la relation sino-germanique est actuellement «presque idyllique», elle est cependant condamnée à changer à mesure que la Chine, «dans les 10 années qui viennent», va devenir un concurrent, plus qu'un marché pour l'Allemagne.

A l'occasion de cette visite, l'artiste dissident chinois Ai Weiwei qui a été emprisonné 81 jours en 2011 et jouit d'un écho important en Allemagne, espère de son côté que Mme Merkel fera pression pour que les intellectuels critiques soient mieux traités par les autorités dans son pays.