Les députés français ont voté jeudi une loi controversée ouvrant la voie à plus de cours en anglais à l'université, une décision polémique dans un pays attaché à sa langue et qui craint de voir son influence diminuer dans le monde.

Le vote de l'article 2 du projet de loi sur l'enseignement supérieur et la recherche, rejeté par la majorité des élus de droite (opposition) présents en séance, a eu lieu à main levée après plus de deux heures de discussions .

Cet article prévoit l'augmentation du nombre des cours en langue étrangère dans l'enseignement supérieur, notamment en anglais.

Mais le texte, qui vise notamment à attirer plus d'étudiants chinois, indiens, brésiliens, a été adopté avec quelques garde-fous après un débat passionné dans l'hémicycle et une polémique de plusieurs semaines en France.

Le gouvernement rappelle que cet enseignement en anglais est déjà une évidence dans les «grandes écoles» qui forment les élites.

«Moins de 1% des cours» seront dispensés en langue étrangère à l'université, a relativisé la ministre de l'Enseignement supérieur Geneviève Fioraso.

«Nous n'avons que 5500 étudiants coréens, 3000 étudiants indiens et trop peu d'étudiants russes», déplore la ministre, ajoutant que ces étudiants des pays émergents «se heurtent à l'obstacle de la langue».

Le vote a «réjoui» Mme Fioraso, qui a dans le même temps critiqué les adversaires du texte. Elle a dénoncé «un débat de posture» donnant de la France, «pays de l'universalité et des Lumières, une image étriquée».

«Shall we speak English in this French Parliament one day ?», s'était exclamé dès mercredi soir, en anglais dans le texte, un député conservateur et professeur des universités, Daniel Fasquelle.

Constatant «un vrai débat» et entendant «les interrogations dans le monde francophone», le rapporteur du projet de loi Vincent Feltesse a jugé qu'il y avait «quelque chose d'intrinsèque entre la France, sa langue, la République, le rayonnement, le roman». Il a souligné qu'il n'était «pas question que l'ensemble des cours soient totalement dispensés en langue étrangère».

Les députés ont voté, avec l'aval du gouvernement, un amendement précisant que les exceptions aux cours en français ne seront admises pour certains enseignements que «lorsqu'elles sont justifiées par des nécessités pédagogiques».

Offensifs jusqu'au bout, plusieurs députés de droite ont vivement combattu l'article. «Un peuple qui parle de plus en plus une langue étrangère perd peu à peu son identité», a lancé Jacques Myard, ancien diplomate pour lequel «ce n'est pas avec ce sabir que vous allez pénétrer le marché chinois, arabo-musulman ou latino-américain».

Le français, l'une des cinq langues de l'ONU, est parlé par plus de 220 millions de francophones dans le monde, selon le gouvernement français.

Selon Paris, 750 millions de personnes seront francophones en 2050, dont 80% en Afrique.