Tiraillé entre droite et gauche, le gouvernement grec peine à renforcer l'arsenal juridique contre les discours et actes racistes, xénophobes et homophobes, malgré leur explosion sur fond de percée néonazie.

Le porte-parole du gouvernement Simos Kedikoglou, issu du parti conservateur du premier ministre Antonis Samaras, a renvoyé lundi «à ces prochaines semaines» l'adoption au parlement d'une telle réforme, préparée par un projet de loi du ministère de la Justice.

Représentant l'aile gauche de la coalition gouvernementale, le ministre de la Justice, Antonis Roupakiotis n'a pourtant cessé ces derniers jours de marteler l'urgence de l'adoption du texte, allant jusqu'à menacer d'une démission.

«Aucun parti n'a le droit de faire face à l'épouvantail néonazi avec des considérations électoralistes», a-t-il lancé lundi sur la chaîne de télévision publique.

«Nous demandons que le projet de loi soit déposé et discuté immédiatement, en l'état», est venu à la rescousse Manolis Maniatis, au nom du parti socialiste, troisième composante de l'alliance au pouvoir.

M. Kedikoglou a immédiatement imputé l'allongement des délais à de simples questions de procédure, interrogé sur la radio Skai.

Le projet de loi du ministère, qui remanie deux précédentes copies remontant à 2009 et 2011 et qui n'a pas encore été rendu public, est loin d'être révolutionnaire. Pour l'essentiel il ne fait qu'intégrer au droit grec, avec un retard de trois ans, le cadre européen en la matière, selon une source proche du dossier.

Centré sur «la manière de traiter les actes de violence raciste et xénophobe», il y inclut la violence homophobe et durcit les peines prévues pour ces crimes, dont la généralisation ces derniers mois à valu à Athènes d'être interpellé notamment par le Conseil de l'Europe et Washington, a précisé la même source.

Dernier cas médiatique en date, et qui fait toujours l'objet d'une enquête, un adolescent afghan de 14 ans a eu le visage tailladé à coups de tessons de bouteille dans un quartier bastion des néonazis à Athènes.

Mais s'il prévoit la suppression du droit de vote et d'éligibilité pour le personnel politique impliqué --une disposition visant le parti néonazi Aube Dorée et ses 18 députés, dont plusieurs poursuivis pour violences--, il offre aussi des garanties à la liberté d'expression.

La négation et l'apologie de la Shoah sont notamment censées être pénalisées pour la première fois, comme l'a réclamé en mars le Congrès juif mondial. Mais, à la condition que cette rhétorique soit adoptée «de mauvaise foi» et incite à la violence et au trouble de l'ordre public.

De quoi laisser à l'appréciation du parquet la réponse à apporter au chef d'Aube Dorée, Nikos Mihaloliakos, qui a publiquement nié il y a un an l'extermination des Juifs par les nazis, et l'existence des camps, chambres à gaz et fours crématoires, sans être inquiété par la justice.

Idem pour son lieutenant Ilias Kassidiaris en ce qui concerne l'incitation à la haine raciale ou religieuse. Ce dernier a menacé dimanche de créer un front de 100 000 Grecs sous la direction d'Aube dorée si la mosquée en projet à Athènes devait être construite pour «les islamistes criminels qui se trouvent en Grèce» selon lui.

Dans un pays où les préjugés contre les minorités s'expriment sans complexe, des voix se sont élevées, à droite, et au sein de l'influente Église orthodoxe d'État, pour dénoncer des mesures liberticides.

«Je dis oui à une loi contre la violence raciste, mais il ne faut pas créer un délit d'opinion (...) il faut que la loi soit très contrôlée pour que nous n'ayons pas peur de parler dans notre pays», a ainsi relevé sur la radio Skai le député conservateur Adonis Giorgiadis, transfuge de l'extrême droite et co-éditeur dans les années 2000 d'un brûlot antisémite.

Coutumier avec une poignée d'autres dignitaires orthodoxes de vitupérations islamophobes et antisémites, le métropolite de Kalavryta, Mgr Amvrosios a, lui, annoncé qu'il ferait sonner le glas dans ses paroisses si le projet devait être débattu au parlement.