Londres a un drôle de maire. Échevelé, conservateur, pince-sans-rire, cycliste à cravate, érudit, et maintenant, historien. Dans son livre Une autre histoire de Londres (éditions Robert Laffont), Boris Johnson raconte comment Guillaume le Conquérant et le guitariste Keith Richards, entre autres, ont modelé la capitale britannique. À l'occasion de la sortie de son livre au Québec, l'étourdissant personnage nous a accordé une entrevue téléphonique exclusive depuis son bureau, au bord de la Tamise.

Q Comment allez-vous?

R Très bien! Merci de vous donner la peine de m'appeler!

Q De rien... Je tiens la version française de votre livre entre les mains, et...

R Oh, my goodness... C'est une très bonne traduction. C'est même meilleur que l'original.

Q Tant mieux! Alors, dites-nous, à qui avez-vous pensé en l'écrivant?

R J'ai voulu expliquer pourquoi les gens viennent à Londres et pourquoi il s'agit d'une ville si extraordinaire. C'est un livre qui se destine à tous ceux qui s'intéressent à notre ville. Je m'inquiète particulièrement du fait que nos jeunes connaissent mal l'histoire de Londres.

Q Vous dressez le portrait de 18 personnes, dont 3 femmes, qui ont eu une influence sur le destin de Londres à travers les siècles. Le choix a-t-il été difficile?

R Oui. J'ai mis de côté certaines personnes que j'aurais dû inclure, comme Charles Dickens. Dans les rééditions, je voudrais inclure davantage de femmes. C'était parfois difficile de trouver de grands personnages féminins à l'époque médiévale, compte tenu du sexisme et du chauvinisme dans l'histoire britannique. Mais j'aurais dû me forcer davantage.

Q Margaret Thatcher, par exemple?

R C'était une députée londonienne. Et une femme remarquable. Elle a redonné confiance à la City avec le Big Bang de 1986 [nom donné aux mesures de libéralisation des marchés financiers britanniques adoptées par le gouvernement Thatcher en un seul jour, le 27 octobre 1986]. C'était très important pour que Londres redécouvre son rôle de capitale financière de l'Europe, rôle qu'elle a gardé depuis ce jour.

Q À sa mort, on a aussi critiqué son héritage...

R Bien sûr. Mais dans les années 60 et 70, c'était désastreux à Londres. [...] Elle a fait en sorte que les gens reviennent, et a ramené la prospérité.

Q Pourriez-vous me donner trois exemples d'idées londoniennes qui gagneraient à être exportées?

R Je crois que le London Living Wage [allocation de subsistance], que nous versons aux résidants pour les aider à assumer le coût de la vie particulièrement élevé à Londres, est très important. Nous devons nous assurer que les gens qui ont de faibles revenus ne sont pas exclus. Quoi d'autre... Nous avons un formidable nouveau bus, le plus propre et le plus vert du monde. Il est magnifique, il a deux niveaux, il est made in Britain... On pourrait vous en vendre à très bon prix! Je recommanderais aussi d'avoir un grand festival sportif, comme les Jeux olympiques. Ils nous ont laissé des infrastructures de transport en héritage.

Q Fort bien. Pourriez-vous me nommer trois villes qui vous inspirent?

R Bien sûr... Voyons... Nous avons importé notre système de partage de vélos de Toronto. Et Vancouver est magnifique. Quoi d'autre... Eh bien... C'est dommage, c'est toujours nous qui inspirons les autres...

Q Une précision, monsieur le maire. Ce système de vélos dont vous parlez, il vient de Montréal, pas de Toronto.

R Non? Oh! Je m'excuse! Alors, je remercie Montréal! Les gens adorent ce système. En fait, c'est si populaire que nous devons l'étendre dans d'autres quartiers. Nous investissons un milliard de livres sterling dans le vélo.

Q Je ne sais pas si vous avez eu vent de scandales de corruption à Montréal...

R Non?

Q Des millions de dollars d'argent public détournés au profit de quelques individus, avec la complicité d'élus...

R Ça n'arrive pas ici.

Q Vraiment?

R Personne ne m'a jamais offert quoi que ce soit. J'en suis humilié!

Q Pensez-vous que de tels scandales puissent affecter la réputation de Montréal?

R Je ne peux pas commenter, je ne suis pas au courant de l'histoire. Mais le plus important est que ça sorte publiquement. Ici, on a mis des députés en prison parce qu'ils ont menti au sujet d'un excès de vitesse! C'est important de montrer que personne n'est au-dessus de la loi. Particulièrement les élus.

Q Quel sera le plus grand défi de votre ville dans les 20 prochaines années?

R Depuis que je suis maire, il y a 500 000 Londoniens de plus. On devrait avoir un million de personnes de plus d'ici 2021. C'est un énorme défi. Nous avons besoin de centaines de milliers de maisons de plus, des emplois, du transport...

Q À la lecture de votre livre, on réalise que le destin de Londres n'est pas écrit d'avance...

R L'histoire de Londres nous enseigne que les choses peuvent mal tourner. [...] L'histoire n'a pas qu'un sens, les choses peuvent se détériorer si vous ne travaillez pas suffisamment fort.