Les premiers rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan ayant quitté la Turquie dans le cadre d'un processus de paix avec Ankara sont arrivés dans le nord de l'Irak, suscitant la colère de Bagdad qui a dénoncé une violation de sa souveraineté.

Ce premier groupe d'une quinzaine de combattants kurdes de Turquie est arrivé à pied à Harur, une localité de la province de Dohouk, selon un journaliste de l'AFP. Il ont été accueillis après une harassante traversée par des accolades chaleureuses et poignées de mains d'autres membres du PKK installés dans le Kurdistan irakien.

Ils ont traversé la zone frontalière escarpée pour rejoindre les milliers de combattants kurdes installés dans cette région autonome.

«Nous sommes les premiers à atteindre une zone sure», a déclaré Jagar, le chef de ce groupe de neuf hommes et six femmes arrivé vers 6 h (23h lundi à Montréal) armé de Kalashnikov et de lance-roquettes RPG.

«Notre repli a été effectué sur instructions de notre chef (Abdullah Öcalan, NDLR) et nous souhaitons qu'il ouvre une nouvelle étape de paix», a dit Jagar, en référence au chef du PKK emprisonné en Turquie.

«Nous avons été confrontés à de multiples difficultés, notamment la pluie et la neige» durant les sept jours de marche sous l'oeil vigilant des avions turcs, surveillant le repli.

Bagdad dénonce une «violation de sa souveraineté»

En dépit de l'amorce d'un processus de paix entre Ankara et le PKK, les habitants du Kurdistan irakien vivant près de la frontière turque s'inquiètent de cet afflux de combattants, redoutant d'éventuels raids de l'armée turque visant le PKK dans leur région.

Le gouvernement fédéral irakien, qui a régulièrement dénoncé les attaques turques sur son territoire, mais est également à couteaux tirés avec les autorités du Kurdistan irakien, a dénoncé le retrait vers l'Irak des combattants kurdes de Turquie.

Dans un communiqué, «le gouvernement irakien confirme son rejet de ce retrait et de la présence sur le territoire irakien d'hommes armés du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui constituent une violation flagrante de la souveraineté et l'indépendance de l'Irak».

Bagdad envisage de déposer une plainte auprès du Conseil de sécurité des Nations unies, afin qu'il prenne la «décision nécessaire pour empêcher la violation de la souveraineté de l'Irak», selon le texte.

«Nous nous préparerions à une rude bataille avec la Turquie, mais finalement nous avons répondu à l'appel de notre leader Öcalan», explique Midiya Afreen, une combattante du groupe pour qui il s'agit d'une «nouvelle étape de paix.»

Après l'annonce d'un cessez-le-feu unilatéral fin mars, ce retrait de Turquie constitue la deuxième phase concrète d'un processus de paix visant à mettre fin à près de 30 ans de conflit sanglant.

Abdullah Öcalan avait appelé le 21 mars ses troupes à un cessez-le-feu et au retrait, dans le cadre de négociations de paix qu'il mène depuis la fin de l'année dernière avec les autorités turques.

«Nous continuerons à nous organiser à nous entraîner, en attendant que le gouvernement turc prenne les mesures nécessaires pour promouvoir la paix», a dit mardi à l'AFP un commandant du PKK basé en Irak qui se trouvait à Harur.

Entre 13 et 19 millions de Kurdes vivent en Turquie, selon les estimations, soit la majorité des quelque 25 à 35 millions de Kurdes disséminés dans une vaste zone couvrant aussi l'Irak, l'Iran et la Syrie.

Le PKK, dont les revendications sont passées au fil du temps d'une indépendance complète à l'autonomie, ainsi qu'à la reconnaissance de la langue et de la culture kurdes, compte désormais entre 3000 et 5000 combattants actifs, probablement moins de la moitié des forces dont il a disposé jusqu'en 1999.

Considéré comme une organisation terroriste par la Turquie, mais aussi par les États-Unis et l'Union européenne, le PKK a pris les armes en 1984, et le conflit a fait depuis environ 45 000 morts.