La Russie a annoncé mardi avoir arrêté en flagrant délit un diplomate américain agent de la CIA qui tentait de recruter à Moscou un membre des services russes, dénonçant là une «provocation» digne de la guerre froide.

«L'agent de la CIA Ryan C. Fogle, travaillant sous la couverture de troisième secrétaire du département politique de l'ambassade, a été interpellé dans la nuit de lundi à mardi», a annoncé le FSB (Service fédéral de sécurité), cité par les agences de presse russes.

Le ministère russe des Affaires étrangères a déclaré le diplomate persona non grata et a exigé son départ «dans les plus brefs délais». L'ambassadeur américain Michael McFaul a été convoqué pour mercredi au ministère russe.

«L'arsenal classique de l'espion découvert sur lui ainsi qu'une importante somme d'argent trahissent un agent étranger pris en flagrant délit et suscitent de sérieuses questions à la partie américaine», a souligné la diplomatie russe.

«De tels actes de provocation dans l'esprit de la guerre froide ne contribuent pas à renforcer la confiance mutuelle», a ajouté le ministère russe des Affaires étrangères.

La chaîne de télévision publique russe Pervyi Canal a diffusé une vidéo filmée par le FSB montrant l'arrestation: un responsable des services russes précise que le Russe ciblé par la CIA est un officier chargé de la lutte contre le terrorisme dans le Caucase russe.

L'enregistrement montre Ryan Fogle après son arrestation, assis dans une pièce, entouré de trois responsables de l'ambassade américaine auxquels un représentant des services russes, visage flouté, fait la leçon.

«Nous n'avons pas cru dans un premier temps qu'une chose pareille puisse arriver. Vous savez très bien que le FSB coopère activement (avec les États-Unis) dans l'enquête sur les attentats de Boston», entend-on.

«Ce citoyen a commis au nom des États-Unis un crime gravissime ici à Moscou. Avez-vous des questions concernant ce que nous sommes en train de vous montrer ici?», poursuit le responsable du FSB.

Les télévisions russes ont montré des photos de l'arrestation, le jeune Américain plaqué au sol par les agents russes, les bras derrière la tête.

Sur d'autres images, on voit du matériel de déguisement, notamment des perruques, des lunettes noires, ainsi qu'un vieux modèle de téléphone portable, un plan de Moscou et plusieurs billets de 500 euros tirés d'une enveloppe.

La télévision publique en langue anglaise RT a rendu publics des extraits d'une lettre présentée comme étant destinée à l'espion russe potentiel.

«Cher ami (...)Nous sommes prêts à vous offrir 100 000 dollars et à discuter de votre expérience et d'une collaboration (...) Nous pouvons offrir jusqu'à un million de dollars par an pour une collaboration à long terme», pouvait-on lire.

L'Américain a été remis à l'ambassade après «les procédures nécessaires», a indiqué le FSB.

«Ces derniers temps, le renseignement américain a tenté à plusieurs reprises de recruter des collaborateurs des forces de l'ordre et des services secrets russes», affirme le FSB.

Prié de confirmer, de démentir ou de commenter l'incident, l'ambassadeur américain a laconiquement répondu sur son compte Twitter: «Non».

Les États-Unis se sont bornés à confirmer la «brève» interpellation d'un employé de leur ambassade.

«Nous pouvons confirmer qu'un membre du personnel américain de notre ambassade à Moscou a été brièvement détenu puis libéré. Nous avons vu le communiqué du ministère russe des Affaires étrangères et n'avons rien de plus à ajouter pour le moment», a déclaré le porte-parole adjoint du département d'État, Patrick Ventrell, lors d'un point de presse.

Il s'est contenté d'ajouter que son ministère était en contact avec son ambassadeur en Russie, Michael McFaul, mais a repoussé toutes les questions de la presse sur les raisons et les éventuelles conséquences de cette affaire.

L'expert indépendant russe Alexandre Golts, interrogé par l'AFP, a ironisé sur les «preuves» présentées par les médias officiels russes, tout en estimant que l'incident allait miner encore un peu plus les relations russo-américaines et «alimenter la propagande» antiaméricaine.

«J'ai du mal à imaginer les informations qui pourraient être fournies par des agents russes pour des sommes pareilles. Pour un million de dollars, on devrait enrôler un responsable ayant au moins le rang de vice-directeur du service des renseignements extérieurs russes», a-t-il dit.

Les relations russo-américaines sont au plus bas depuis le retour au Kremlin en mai 2012 pour un troisième mandat de Vladimir Poutine, un ancien agent du KGB.

Confronté à une vague de manifestations fin 2011 et en 2012, l'homme fort de la Russie n'a cessé d'accuser les États-Unis de financer l'opposition et des ONG qui ont dénoncé des fraudes électorales.

Le précédent scandale d'espionnage russo-américain remonte à 2010, quand dix agents «dormants» russes avaient été arrêtés aux États-Unis, puis expulsés vers Moscou dans un échange digne de la guerre froide.

Les États-Unis les avaient remis à Moscou contre quatre Russes, dont trois condamnés pour espionnage au profit des Occidentaux.