Une fusillade a éclaté dimanche à Rome au moment où le nouveau gouvernement du chrétien démocrate Enrico Letta prêtait serment lors d'une cérémonie au palais du Quirinal, à un kilomètre de distance.

M. Letta, issu du Parti démocrate, première force de gauche, a été le premier à jurer sa fidélité à la Constitution italienne, suivi par chacun de ses 21 ministres.

La cérémonie un peu compassée s'est déroulée à partir de 9H30 GMT (5H30, heure de Montréal), en une demi-heure, sous les lambris dorés du Palais du Quirinal, siège de la présidence italienne.

Mais au même moment, vers 9H40 GMT, un homme a tiré plusieurs coups de feu blessant des carabiniers postés devant le Palais Chigi, siège du gouvernement, situé à environ 1 km de là.

Pendant que les télévisions montraient les ministres détendus et souriants qui prêtaient serment l'un après l'autre, les agences ont commencé à parler d'une fusillade avec des blessés.

L'un des carabiniers a été blessé au cou, l'autre à une jambe, et leur agresseur est également hospitalisé. Une passante frôlée par un projectile a aussi été prise en charge.

L'auteur des tirs est un Calabrais de 49 ans (bien 49) qui, selon des témoignages dont certains recueillis par l'AFP, s'est présenté devant Palais Chigi bien habillé, d'une veste avec une cravate, avant de commencer à tirer sur les carabiniers à une distance de cinq mètres.

«C'est le geste d'un fou déséquilibré», a affirmé le maire de Rome, Gianni Alemanno, devant la presse, en indiquant que les deux carabiniers blessés et la passante «ne sont pas dans un état grave».

«C'est quand même très inquiétant... il faut voir qui est cette personne, pourquoi elle a choisi ce moment et ce lieu, ce n'était pas un hasard», a souligné sur la chaîne en continu Sky TG24 Fiorenza Sarzanini, journaliste spécialisée dans les faits divers au Corriere della Sera.

La journée avait pourtant commencé sous le signe de l'espoir compte tenu du caractère novateur du gouvernement Letta, fruit d'une alliance inédite entre droite et gauche et qui se distingue par une moyenne d'âge plutôt basse (53 ans, 10 de moins que le gouvernement Monti) et une forte présence de femmes (7 sur 21).

Cet exécutif, accouché dans la douleur au terme de deux mois d'impasse politique, est le résultat d'un savant dosage, avec neuf ministres du Parti démocrate, principal parti du centre gauche, cinq du PDL de Silvio Berlusconi et trois centristes, quatre autres étant des technocrates.

«C'est la première tentative explicite de pacification de l'Italie» avec la formation d'une «coalition totalement inédite qui balaye 20 ans d'inimitiés» entre droite et gauche, a souligné l'éditorialiste politique du Corriere della Sera, Massimo Franco.

Pour la plupart des commentateurs, c'était comme l'a affirmé le président Giorgio Napolitano, «le seul gouvernement possible» après les élections législatives des 24/25 février où le centre gauche s'est adjugé la majorité absolue à la Chambre des députés, mais pas au Sénat, partagé en trois blocs de poids quasi identique (gauche, droite berlusconienne et contestataires antipartis du Mouvement 5 Etoiles).

La sortie de scène des «bigs», les poids lourds que droite et gauche cherchaient à imposer comme l'ex-premier ministre de gauche Massimo D'Alema ou l'ex-ministre de droite Renato Brunetta, a aussi frappé les éditorialistes.

Le manque d'expérience de certains ministres peut être une faiblesse, mais aussi une force, selon le directeur de La Stampa, Mario Calabresi, car ils seront «jugés pour ce qu'ils feront et pas pour le passé».

Avant la fusillade qui a terni l'atmosphère de la journée, l'optimisme était de rigueur aussi dans les rues de Rome.

Pour Biagio, 70 ans, ce gouvernement «était la seule possibilité de gouverner l'Italie». Mais, les nouveaux ministres doivent, selon lui, faire «de bonnes choses pour le peuple pas seulement pour les hommes politiques» et «surtout abolir leurs privilèges», a-t-il dit à l'AFP.

Plusieurs journaux de gauche comme il Fatto Quotidiano se sont inquiétés toutefois de l'emprise que pourrait avoir le Cavaliere sur l'exécutif, dont son bras droit Angelino Alfano est le numéro deux. «Gouvernement Napolitano de la combine, les électeurs du PD vendus au caïman» (surnom de Berlusconi, NDLR), titre il Fatto.

Mais d'autres commentateurs ont souligné par exemple le caractère incorruptible de la nouvelle ministre de la Justice Annamaria Cancellieri.

Elle sera appelée à superviser les démêlés judiciaires du Cavaliere, poursuivi en appel pour fraude fiscale (procès Mediaset) et en première instance pour prostitution de mineure (Rubygate).