Le premier ministre italien désigné Enrico Letta a mené vendredi de nouvelles consultations pour former au plus vite un gouvernement alliant gauche et droite, sous pression des marchés qui donnent des signes d'impatience après deux mois de blocage politique en Italie.

La Bourse de Milan étant en baisse de 0,7 % dans l'après-midi, alors que la formation du gouvernement, initialement attendue dans la journée, prenait quelque retard. Elle pourrait intervenir samedi, selon l'agence italienne Ansa.

L'Italie a toutefois pu emprunter sur les marchés 8 milliards d'euros sur six mois, le maximum prévu, à des taux en nette baisse.

«Nous espérons que Letta réussira à former son gouvernement. C'est une urgence absolue vu la situation économique dramatique», a déclaré le président du syndicat patronal Rete imprese Italia, Carlo Sangalli.

M. Letta, 46 ans, a reconnu jeudi rencontrer quelques «difficultés» à convaincre son propre parti, le Parti démocrate (PD, gauche), et le centre-droit de Silvio Berlusconi, ennemis de toujours, de gouverner ensemble.

Vendredi matin, il s'est rendu au Quirinal, siège de la présidence de la République, pour un entretien de deux heures et demie avec Giorgio Napolitano, qui lui avait confié cette tâche difficile mercredi, après l'échec essuyé par le dirigeant du PD démissionnaire Pier Luigi Bersani.

Il a ensuite rencontré le premier ministre sortant Mario Monti.

Lundi, M. Napolitano avait sévèrement tancé les parlementaires sur leur incapacité à travailler ensemble et menacé de démissionner s'ils n'y parvenaient pas. Une menace qui pèse fort pour cet homme de 87 ans que toutes les grandes forces politiques, incapables de lui trouver un successeur, ont supplié de se représenter.

Le PD, arrivé en tête aux élections législatives de fin février, mais sans la nécessaire majorité absolue au Sénat - ce qui est à l'origine de l'impasse - est profondément divisé sur l'opportunité de gouverner avec son ennemi juré, le Peuple de la Liberté (PDL) de Silvio Berlusconi.

Déjà son allié, le petit parti «Gauche, écologie et liberté» a annoncé qu'il se placerait dans l'opposition.

M. Letta doit également composer avec le Cavaliere, dont il dépend désormais pour pouvoir gouverner.

Le dauphin de Berlusconi, Angelino Alfano, a parlé de «noeuds à dénouer», notamment sur une taxe immobilière très impopulaire que le magnat des médias avait promis de rembourser.

Les tractations vont bon train aussi sur les noms des futurs membres du gouvernement. La droite récuse notamment celui de Mario Monti, cité comme éventuel ministre des Affaires étrangères. «Le jeune Letta ferait une erreur grossière en le nommant», a twitté le dirigeant du parti autonomiste de la Ligue du Nord, Roberto Maroni.

Mais vendredi, Silvio Berlusconi s'est montré plus ouvert. Il a vu dans M. Letta «une attitude très positive» et n'a pas constaté de «véritables problèmes» dans les discussions.

Il a par ailleurs estimé que l'Italie devait «affronter l'Europe» sur l'austérité, «expliquer que le plafond de 3 % pour le déficit sur le PIB et le traité fiscal sont justes, mais pas lorsqu'on se trouve en récession».

Un écho à ce qu'avait affirmé M. Letta sur les «politiques d'austérité en Europe (qui) ne suffisent plus», alors que l'Italie est en récession et frappée par un chômage croissant.

Certains experts restaient optimistes. À l'image de Stefano Folli, du Sole 24 ore, le quotidien des milieux d'affaires: «Letta est près de former son gouvernement», pronostique l'éditorialiste politique, selon lequel les nouveaux ministres pourraient «monter la colline (du Quirinal) samedi soir ou dimanche matin».

Mais avant même sa naissance, beaucoup prévoient une vie courte à ce gouvernement, compte tenu des antagonismes persistants.

Quant à Beppe Grillo, chef du Mouvement cinq étoiles, qui a récolté un quart des voix aux dernières législatives, il l'a déjà balayé d'un revers de main: «C'est un ramassis digne du meilleur bunga-bunga», a-t-il dit en référence aux soirées torrides du Cavaliere.