Le procès pour détournement de fonds de l'opposant numéro un à Vladimir Poutine, Alexeï Navalny, a été reporté au 24 avril, la défense ayant demandé plus de temps pour étudier le dossier de cette affaire qu'elle estime montée de toutes pièces.

Une quarantaine de minutes après le début de l'audience au tribunal de Kirov, à 900 km à l'est de Moscou, le juge Sergueï Blinov a annoncé que le procès, dans lequel l'opposant risque une peine maximale de dix ans de camp, était reporté d'une semaine pour donner à la défense plus de temps pour prendre connaissance du dossier.

Il a ainsi satisfait partiellement la requête des avocats de M. Navalny, qui réclamaient un mois de plus.

Un appel de la défense, qui veut que l'affaire retourne au comité d'enquête, doit par ailleurs être examiné le 23 avril dans un autre tribunal.

«Je comprends votre déception, mais il est indispensable que nous prenions connaissance du dossier», a déclaré Alexeï Navalny aux journalistes juste après l'annonce par le juge du report du procès.

Il a répété que l'affaire était selon lui «montée de toutes pièces». «Il me semble que n'importe qui, même sans formation juridique, peut s'en persuader», a-t-il dit.

«D'une manière ou d'une autre, je suis sûr qu'au cours des audiences mon innocence sera prouvée, mais nous verrons quelle sera la décision du juge», a ajouté l'opposant.

En jeans et chemise blanche, il était arrivé décontracté dans la salle d'audience du petit tribunal, pleine à craquer en raison de la présence de nombreux journalistes et de partisans, parmi lesquels l'opposant Boris Nemtsov et un député anti-Poutine de la Douma (chambre basse), Dmitri Goudkov.

L'opposant, connu pour sa lutte contre la corruption, est accusé d'avoir organisé en 2009 le détournement de 400 000 euros d'une société publique d'exploitation forestière, Kirovles, dans la région de Kirov.

À l'époque, M. Navalny était conseiller du gouverneur libéral de cette région, Nikita Belykh.

Il a répété à maintes reprises qu'il ne se faisait aucune illusion sur l'issue du procès: il sera reconnu coupable.

«Je n'ai pas le moindre doute sur le fait que la décision est déjà prise. Ce sera une condamnation. La question est de savoir s'il s'agira de prison ou de sursis», a-t-il déclaré dans une interview au quotidien en ligne Gazeta.ru mardi.

Selon des médias russes, le juge Sergueï Blinov, 35 ans, n'a pas prononcé un seul acquittement au cours des deux dernières années.

«En règle générale, les affaires qui parviennent au tribunal ne sont pas de celles qui peuvent aboutir à un acquittement. Le système élimine ces cas au cours de l'enquête», a affirmé le président du tribunal de Kirov, Konstantin Zaïtsev, dans une interview au site d'informations en ligne Slon.ru, laissant lui aussi envisager que l'accusé serait condamné.

Alexeï Navalny n'a de son côté pas désarmé à la veille de son procès, ne donnant «pas plus de deux ans» au régime russe pour s'effondrer, dans l'interview à Gazeta.ru.

Orateur efficace lors des manifestations anti-Poutine à Moscou, pourfendeur de la corruption via des révélations retentissantes publiées sur l'internet, cet avocat de 36 ans s'est imposé comme un des leaders du mouvement de contestation né en 2011 pour dénoncer les fraudes lors des législatives remportées par le parti de Vladimir Poutine, Russie Unie.

«Je veux devenir président», a-t-il déclaré récemment à la chaîne câblée Dojd, proche de l'opposition, promettant de faire alors condamner les dirigeants russes.

«Un jour, nous les vaincrons, et nous les mettrons en prison», a-t-il affirmé.

Ses démêlés judiciaires ne s'arrêtent pas à l'affaire Kirovles: M. Navalny est par ailleurs accusé d'avoir détourné 2,5 millions d'euros appartenant à un parti politique libéral et il a été inculpé d'escroquerie et de blanchiment dans une autre affaire.

Enfin, en février, il a été accusé d'avoir usurpé son statut d'avocat en fournissant de fausses informations. Toutes ces accusations sont rejetées par l'intéressé qui dénonce une opération du Kremlin destinée à le faire taire