Le premier jour du procès des fabricants français des implants mammaires trafiqués PIP, un scandale sanitaire d'ampleur mondiale révélé en 2010, s'est déroulé mercredi dans un climat tendu devant le tribunal correctionnel de Marseille, dans le sud de la France.

Cinq dirigeants de la société Poly Implant Prothèse (PIP), aujourd'hui mise en liquidation judiciaire, dont son fondateur Jean-Claude Mas, 73 ans, comparaissent jusqu'au 17 mai pour escroquerie et tromperie aggravée dans un centre de congrès spécialement aménagé pour accueillir des centaines de plaignantes et leurs avocats. Ils risquent jusqu'à cinq ans de prison.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, le tribunal a été occupé toute la journée par des questions de procédures, les avocats des accusés ayant déposé divers recours qui seront encore examinés jeudi et peut-être vendredi.

Des centaines de victimes, sur les 5 250 plaignantes, étaient présentes, assises aux premiers rangs de l'immense salle et arborant des badges de leurs associations.

Lorsque Jean-Claude Mas a décliné à la barre son activité et ses revenus, une retraite de 1 700 à 1 800 euros, une partie du public l'a hué contraignant la présidente à demander le silence.

Parmi les plaignantes, Angela Mauro, 47 ans, venue de l'est de la France, dont les prothèses remplies de gel impropre à un usage médical avaient été posées en 2003 après une perte de poids lié à la pose d'un anneau gastrique. Elles se sont ensuite percées deux fois, occasionnant souffrances, arrêts de travail et changement d'emploi. «J'attends qu'on soit considérées comme des victimes et pas seulement comme des femmes qui ont voulu mettre des prothèses», confie-t-elle.

Le procès doit éclairer comment une petite entreprise française a pu pendant dix ans fabriquer et commercialiser à travers le monde des prothèses remplies d'un gel de silicone impropre à un tel usage, à l'insu des organismes de contrôle. Plus de 300 000 femmes ont eu recours à ces implants.

65 pays concernés

Si aucune relation entre ces prothèses et l'apparition de cancers du sein n'a été établie dans l'attente des résultats d'une étude épidémiologique à long terme, en revanche les cas de rupture des enveloppes et de fuite du gel de silicone se sont révélés anormalement élevés.

C'est ce phénomène qui a fini par alerter les autorités sanitaires. Plus de 4 100 cas de rupture ainsi que 2 700 réactions inflammatoires ont à ce jour été recensés. À titre préventif, de nombreuses femmes se sont fait retirer leurs implants après la révélation du scandale, dont 11 000 en France.

Les implants étaient commercialisés dans plus de 65 pays, particulièrement en Amérique latine où le recours à la chirurgie esthétique atteint des sommets et qui représentait plus de la moitié du marché pour l'entreprise en 2009.

L'Europe de l'Ouest (Espagne, Grande-Bretagne, Suède, Allemagne, Italie, Belgique, Pays-Bas, Portugal, Suisse) était l'autre grande région d'exportation. L'Europe de l'Est (Bulgarie, Hongrie, Russie, Bélarus, Pologne, République tchèque) représentait 10% du marché. Les produits étaient aussi vendus en Iran, Turquie, Israël, Syrie et dans les Émirats, de même qu'en Australie, Thaïlande, au Japon, à Singapour et en Chine.

Le gel frauduleux coûtait dix fois moins cher que le gel déclaré Nusil, soit une économie annuelle de plus d'un million d'euros.

La personnalité de Jean-Claude Mas, mégalomane autoritaire, incarcéré du 6 mars au 29 octobre 2012 pour ne pas avoir payé sa caution, est au coeur du procès.

Cet autodidacte découvre le monde des implants mammaires dans les années 1980 à une époque où la réglementation n'existe pas encore, et fonde PIP en 1991 à La Seine sur Mer (sud-est). Il y fait régner une ambiance de secte, selon d'anciens employés.

Les prévenus étant insolvables, les victimes ont peu de chance d'être indemnisées même en cas de condamnation.

Certains avocats des victimes auraient voulu voir sur le banc des prévenus la société allemande TÜV (partie civile), chargée de certifier la conformité des prothèses avec les normes européennes, ou des chirurgiens esthétiques.