Le pouvoir socialiste français, englué dans les suites de l'affaire Cahuzac, a tenté lundi de reprendre la main en annonçant la publication des patrimoines des ministres d'ici le 15 avril, le président François Hollande assurant, devant des marins, tenir la barre et garder son cap.

«D'ici le 15 avril», les déclarations de patrimoine des membres du gouvernement seront publiées, a annoncé dans un communiqué le premier ministre Jean-Marc Ayrault. Un projet de loi pour moraliser la vie politique sera présenté le 24 avril afin d'être adopté par le Parlement «avant l'été».

Près d'une semaine après les aveux de l'ex-ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, sur sa détention depuis une vingtaine d'années d'un compte bancaire secret à l'étranger, l'opposition de droite ne baissait cependant pas la garde et il n'était pas sûr lundi qu'elle se satisfasse de ces dernières annonces.

Le parti UMP réclame depuis la semaine dernière un remaniement gouvernemental d'ampleur. «Les jours du gouvernement sont comptés», a encore jugé ce week-end Xavier Bertrand, ex-ministre de Nicolas Sarkozy.

Lundi, le climat délétère dans lequel est plongée la France s'est encore alourdi avec une rumeur relayée par le quotidien Libération, selon laquelle le chef de la diplomatie Laurent Fabius aurait lui aussi un compte bancaire en Suisse. Le numéro deux du gouvernement a aussitôt démenti.

Cette rumeur «ne repose sur aucun élément matériel et est dénuée de tout fondement», a affirmé M. Fabius, en annonçant des «procédures juridiques» pour faire cesser la diffusion d'informations «fausses et calomnieuses». En début d'après-midi, il n'avait pas déposé de plainte en diffamation.

«Tenir bon, réparer, repartir et finir»

L'article du journal, sans preuves à l'appui, a provoqué des remous dans les médias, y compris au sein de la rédaction du quotidien. «Notre travail de journaliste ne consiste pas à rendre publique une rumeur, mais à enquêter pour savoir si elle correspond à des faits. Ce travail élémentaire n'a pas été fait. Il s'agit là d'une faute déontologique grave», a dit la Société civile des personnels de Libération.

La direction de Libération a rétorqué que le journal n'avait «fait que traiter l'angle politique en montrant la tétanie qui frappe l'exécutif».

Collègue de Laurent Fabius au gouvernement, la ministre déléguée aux Personnes handicapées et à l'Exclusion, Marie-Arlette Carlotti, a choisi lundi d'anticiper les annonces de Jean-Marc Ayrault. Elle a publié sur son blogue sa déclaration de patrimoine, dans un souci de «transparence».

Au coeur de la crise politique, François Hollande, confronté à des sondages désastreux, a dressé implicitement un parallèle entre sa condition et celle de navigateurs solitaires, en recevant des marins ayant participé à la course 2012-2013 Vendée Globe autour du monde en solitaire et sans assistance.

Le chef de l'État a exalté leur capacité, «quand il y a un certain nombre d'intempéries et qu'il y a quelques cassures», «de tenir bon, de réparer, de repartir et de finir». Et d'évoquer «les Français, dans ce moment où ils s'interrogent: est-ce que le cap est bon, est-ce que la direction est bien la plus courte pour arriver à l'essentiel, est-ce qu'au-delà des tumultes, des turbulences nous pouvons réussir?» La réponse est «oui», a-t-il affirmé.

Pour le quotidien Le Figaro cependant, «la rupture s'amplifie entre les Français et leurs élus». Selon un sondage OpinionWay pour le journal et la chaîne de télévision LCI, 77 % des Français estiment que leurs élus sont «plutôt corrompus», 36 % des sondés exprimant du «dégoût» à l'égard de la politique.