Le chef de l'État sortant Filip Vujanovic tout comme son adversaire Miodrag Lekic ont revendiqué la victoire dimanche soir à l'issue du scrutin présidentiel au Monténégro, au risque de plonger dans une crise politique cette ex-République yougoslave qui négocie son adhésion à l'Union européenne.    

Tandis que M. Vujanovic se disait assuré d'un troisième mandat consécutif à la tête du Monténégro, son unique adversaire Miodrag Lekic a crié au «coup d'État».

«Je vous annonce ma victoire», a lancé M. Vujanovic devant ses sympathisants. Selon le comptage effectué par son parti sur l'ensemble des suffrages exprimés, il assure avoir obtenu 51,3% de voix contre 48,7% pour M. Lekic.

Aussitôt, sans citer cependant de chiffres précis, M. Lekic a déclaré devant ses partisans qu'«après le dépouillement de 97% des bulletins de vote, les citoyens du Monténégro (lui) ont accordé la victoire».

«Je demande à Filip Vujanovic d'être sérieux et responsable, car en se déclarant vainqueur, il a commis coup d'État», a-t-il affirmé. Il a fait valoir qu'il disposait d'informations selon lesquelles «les résultats (du scrutin) étaient truqués».

Crédité de 55% des voix par les sondages préélectoraux, M. Vujanovic partait favori.

Son éventuelle victoire confirmerait l'emprise sur le pouvoir depuis plus de vingt ans de son parti qui promet de redresser la situation économique par une adhésion rapide à l'UE.

Avocat de profession, M. Vujanovic, et M. Lekic, ancien diplomate, étaient les seuls candidats en lice pour briguer un mandat de cinq ans à la présidence, dont les prérogatives sont essentiellement protocolaires.

Quelque 511 000 électeurs ont été appelés aux urnes lors de ce scrutin. Trois heures avant la clôture du scrutin, le taux de participation était de 49% contre 56% à la même heure lors des législatives d'octobre 2012.

Dejan Nuculovic, un commerçant âgé d'une quarantaine d'années, ne cachait pas avoir porté son choix sur le président sortant. «J'ai voté pour un renforcement de notre État. J'ai voté Vujanovic dont l'action politique va nous conduire dans l'Union européenne», a-t-il dit.

En revanche, Vukasin Bacovic, un retraité, a affirmé compter sur une victoire du candidat de l'opposition «pour mettre fin à la corruption qui ronge le Monténégro depuis tant d'années» : «Lekic est un grand adversaire de la corruption. Si Dieu le veut et s'il est élu, cette situation dont on a assez, va changer».

Après avoir voté en début d'après-midi, M. Vujanovic, 58 ans, a affirmé que les principaux objectifs de son mandat seront «d'intensifier les efforts en vue d'une adhésion rapide au sein de l'UE et de l'OTAN» tout comme d'«attirer des investissements étrangers, créer des emplois et augmenter les salaires des citoyens».

Podgorica, qui a proclamé son indépendance de la Serbie lors d'un référendum en 2006, a ouvert ses négociations d'adhésion au bloc des 27 en juin 2012.

M. Lekic, 65 ans, qui partage aussi les objectifs euro-atlantiques de son adversaire, a essentiellement axé sa campagne sur une lutte sans pitié contre le crime organisé et la corruption, domaines sur lesquels, en 2012, la Commission européenne a demandé au Monténégro de «mieux faire».

«Je crois que les citoyens souhaitent des changements et je les attends», a-t-il dit après avoir rempli son devoir électoral.

M. Vujanovic a été élu président une première fois en 2003 - alors que le Monténégro faisait partie de l'État de Serbie-Monténégro -, et une deuxième fois en 2008, deux ans après l'indépendance.

Sa popularité repose en grande partie sur son alliance avec l'homme fort du Monténégro et architecte de son indépendance, Milo Djukanovic, aujourd'hui premier ministre.

Dans le camp du Parti démocratique des socialistes (DPS, gauche) de MM. Djukanovic et Vujanovic, l'enjeu du scrutin sera de confirmer sa victoire aux législatives d'octobre 2012 dont le gouvernement a été chargé de mener à bien les négociations d'adhésion à l'UE.

La situation économique n'a cessé de se dégrader dans ce pays de 680.000 habitants où le salaire mensuel moyen de 480 euros permet à peine de subvenir aux besoins et où le chômage touche 20% de la population.

La dette publique représente 51% du PIB et les projections de croissance pour 2013 sont de 2,5%.