L'ampleur de la fraude fiscale et des mensonges de l'ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac augmente de jour en jour plombant un peu plus un exécutif français empêtré dans le premier scandale politico-financier de la présidence de François Hollande.

Près d'une semaine après l'aveu de fraude fiscale de l'ancien ministre qui a conduit à son inculpation et fait vaciller la République, de nouveaux éléments émergent peu à peu sur la manière avec laquelle Jérôme Cahuzac a cherché à se soustraire au fisc français pendant des années.

Alors que le responsable socialiste se mure dans le silence, il est désormais accusé d'avoir menti non seulement à l'opinion publique pendant quatre mois malgré les preuves avancées par le site d'investigations Mediapart, mais également à la banque qui lui a permis de frauder.

Selon le quotidien zurichois Tages Anzeiger, M. Cahuzac a fourni un «certificat fiscal falsifié» à la banque suisse Julius Baer. Le but? Montrer grâce à un faux qu'il avait déclaré ses fonds au fisc compétent pour que les banquiers de Julius Baer acceptent de placer ses fonds dans leur succursale de Singapour.

Le politique français, à l'époque député, a par ailleurs assuré que ses 600.000 euros provenaient de son activité de chirurgien esthétique.

Selon le quotidien zurichois, M. Cahuzac qui possédait depuis 1992 un compte en Suisse à la banque UBS a été obligé de demander le transfert de ces fonds en raison du changement de politique bancaire de la Suisse en 2009. La Confédération helvétique s'était en effet alors déclarée prête à accorder l'aide judiciaire en cas d'évasion fiscale et Jérôme Cahuzac a estimé que la situation devenait trop dangereuse à Genève.

Autre élément selon la télévision publique suisse (RTS), M. Cahuzac a cherché en 2009 à placer 15 millions d'euros en Suisse «mais l'établissement (bancaire) aurait refusé par crainte de complications ultérieures, Jérôme Cahuzac étant une personnalité exposée politiquement».

«Des sommes plus importantes auraient été déposées ou transférées par Genève dans les années précédentes», c'est-à-dire avant 2009, selon la RTS.

Interrogé, l'avocat de M. Cahuzac ne dément pas formellement, mais estime que «cette thèse n'est pas crédible sur le plan du bon sens».

«M. Cahuzac a dit qu'il renonçait à faire des recours, il sait parfaitement que le dossier va être transmis aux juges», a indiqué Me Jean Veil. «Cela n'aurait aucun sens de ne dire qu'une partie de la vérité», a ajouté l'avocat.

Des sources spécialisées, contactées par l'AFP, n'excluent pas aussi l'existence d'un autre compte et s'étonnent de la relative modicité de la somme transférée sur Singapour compte tenu des frais facturés pour de telles opérations.

«La présidence veut annoncer au plus vite des mesures-chocs»

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Signe de l'impact de l'affaire dans l'opinion publique française, un sondage a montré dimanche qu'une large majorité de Français (60% des sondés) souhaitent un remaniement du gouvernement, une éventualité rejetée avec force par le président qui estime que le geste d'un «seul homme» n'invalide pas le travail d'une quarantaine de ministres.

Mais déjà au plus bas dans les sondages en raison des mauvais chiffres du chômage et de son incapacité à redonner de l'espoir aux Français, le chef de l'État prépare activement ses mesures de moralisation de la vie politique: réforme de la magistrature pour renforcer «l'indépendance de la justice», lutte contre les conflits entre intérêts publics et privés avec la «publication et le contrôle» du patrimoine des ministres et parlementaires et «interdiction de tout mandat public» pour les élus condamnés pénalement pour fraude fiscale et corruption.

«L'idée c'est de sortir un texte de loi très fort pour juguler» la crise provoquée par cette affaire, affirmait dimanche l'Élysée.

Mais dans l'entourage du chef de l'État, certains voient mal comment sortir de l'impasse. «Ce ne sont pas les mesures de moralisation qui vont changer quoi que ce soit. La population a été ébranlée dans ses profondeurs, il y a aujourd'hui une rupture de confiance avec le monde politique», affirme ainsi un de ses conseillers.