Iouri Loutsenko, ancien ministre ukrainien et proche allié de l'ex-premier ministre emprisonné Ioulia Timochenko a été relaxé dimanche dans un geste destiné à désamorcer la crise avec l'UE et les tensions avec l'opposition.

Gracié dimanche par le président Viktor Ianoukovitch, l'ex-ministre de l'Intérieur vêtu d'un jean et d'une chemise traditionnelle ukrainienne brodée est sorti de la colonie pénitentiaire près du village de Makochino (nord), a constaté un photographe de l'AFP.

À peine libéré, M. Loutsenko a parlé par téléphone à quelque 6000 personnes réunies à Kiev à l'appel de l'opposition pour réclamer la démission du président Viktor Ianoukovitch.

«Je suis très content d'être finalement parmi ceux qui rêvent comme moi d'une Ukraine libre, démocratique et européenne», a-t-il déclaré.

«La politique ne se fait pas dans l'administration présidentielle, ni au Parlement. Elle se fait dans la rue. Nous avons déjà gagné ainsi et nous gagnerons de nouveau», a-t-il poursuivi en référence à la Révolution orange, soulèvement populaire en 2004 qui avait porté au pouvoir les pro-occidentaux.

Iouri Loutsenko arrêté en décembre 2010 et condamné en 2012 à quatre ans de prison pour abus de pouvoir et détournement de fonds a été l'une des figures de proue de la Révolution orange qui avait mené à l'invalidation en justice de la victoire frauduleuse à la présidentielle de 2004 de Viktor Ianoukovitch.

Ce dernier avait pris sa revanche en 2010, ayant battu à la présidentielle l'égérie de la Révolution orange Ioulia Timochenko qui purge actuellement une peine de prison de sept ans pour abus de pouvoir, une condamnation dénoncée par l'opposition comme ayant des motivations politiques.

Le décret présidentiel qui accorde la grâce à M. Loutsenko et cinq autres condamnés dont l'ancien ministre de l'Environnement Gueorgy Filiptchouk s'inscrit dans le cadre d'un assouplissement décidé par le gouvernement ukrainien «visant à rendre la législation plus humaine et à réduire le nombre des personnes en détention», a expliqué la présidence.

Bruxelles qui n'a cessé de dénoncer la «justice sélective» dans cette ancienne république soviétique a salué dimanche la grâce accordée à M. Loutsenko.

«Enfin», a réagi sur son compte Twitter le commissaire européen responsable de l'Elargissement Stefan Füle.

«Je salue vivement la décision du président Ianoukovitch (...) C'est un premier pas, mais un pas important pour s'attaquer à la justice sélective», a-t-il ajouté.

Cela prouve que Kiev «pense sérieusement» à signer un accord d'association avec l'UE, a réagi dimanche l'ancien président polonais Alexandre Kwasniewski, envoyé spécial du Parlement européen pour l'Ukraine.

Les condamnations de Ioulia Timochenko et de Iouri Loutsenko, vertement critiquées par l'Occident, sont à l'origine d'une crise des relations entre Kiev et l'Union européenne.

La publication de ce décret présidentiel intervient quelques jours après que la Cour de cassation a maintenu la peine de quatre ans de prison infligée à Iouri Loutsenko, incarcéré depuis son arrestation en décembre 2010.

Selon la famille et les avocats de M. Loutsenko, la santé de cet homme de 48 ans s'est gravement détériorée en détention.

«C'est un geste de clémence» et «jusqu'à un certain point, il s'agit d'une excuse envers cet homme de la part du président», a estimé l'avocat de M. Loutsenko Olexi Baganets

Encouragée par le cas de Iouri Loutsenko, l'opposition réclame la libération de Ioulia Timochenko, une perspective qui semble peu probable, selon les experts.

«Il y a très peu de chances que Ianoukovitch libère Timochenko compte tenu de la lourdeur de la peine qu'elle purge et l'attitude du président à son égard», a déclaré à l'AFP le politologue indépendant Volodymyr Fessenko.

L'analyste pense cependant que la libération de Loutsenko «sera un signal de poids pour l'Europe qui comprend que la situation avec Timochenko est très compliquée».

Ioulia Timochenko a été premier ministre en 2005, puis de fin 2007 à début 2010, année où elle a été vaincue à la présidentielle par Viktor Ianoukovitch. L'opposante a été incarcérée puis condamnée en 2011.