Deux des trois djihadistes français présumés expulsés du Pakistan ont été placés en garde à vue et le troisième devait l'être jeudi après-midi, a-t-on appris de source judiciaire française.

Les trois hommes avaient été arrêtés le 28 mai 2012 par la police pakistanaise dans le sud-ouest du Pakistan alors qu'ils voyageaient dans un bus avec un autre Français, Naamen Meziche, considéré par les services de sécurité occidentaux comme un cadre expérimenté d'Al-Qaïda.

Après leur interpellation, les quatre hommes ont été transférés et détenus dans la capitale pakistanaise, Islamabad. Ils ont reçu plusieurs visites consulaires de diplomates français sur place qui «ont permis de s'assurer qu'ils étaient traités de façon correcte» pendant leur détention, selon le ministère français des Affaires étrangères.

L'un d'entre eux a été expulsé mardi, le deuxième mercredi et le troisième jeudi, a précisé la source judiciaire.

Une information judiciaire a été ouverte pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste en février 2013, a précisé cette source.

Naamen Meziche, qui à la différence des autres Français n'a pas encore été libéré par les Pakistanais, est resté jusqu'ici totalement silencieux sur les raisons de sa présence dans la région en compagnie de ses trois compatriotes, selon des sources concordantes.

Les autorités françaises estiment actuellement à moins de dix le nombre de djihadistes français dans les zones tribales pakistanaises, contre «entre dix et 20» il y a à peine trois ans.

Cette baisse s'explique en partie par l'apparition de fronts djihadistes concurrents au Moyen-Orient, notamment en Syrie, ou en Afrique, au Mali par exemple, qui attirent de plus en plus de djihadistes européens, selon plusieurs experts du dossier.

Pendant leur détention, «certains d'entre eux ont parlé et dit être venus au Pakistan pour parfaire leur apprentissage de l'islam et aller combattre en Afghanistan», a déclaré à l'AFP une source proche du dossier au Pakistan.

Dans les sillons de Mohamed Merah

Cette annonce intervient un peu plus d'un an après le séisme provoqué en France par l'affaire Mohammed Merah, ce jeune djihadiste français qui se réclamait d'Al-Qaïda et a tué sept personnes, dont des enfants juifs et des militaires, quelques mois après être passé au Pakistan.

«Âgés d'une trentaine d'années et originaires de la région d'Orléans (à une centaine de kilomètres au sud de Paris), ces trois hommes avaient été arrêtés par la police pakistanaise le 28 mai 2012 dans le sud-ouest du Pakistan en compagnie d'un autre Français, Naamen Meziche», a déclaré à l'AFP une source proche du dossier.

Naamen Meziche, environ 42 ans, est, quant à lui, toujours détenu au Pakistan et en attente d'être expulsé. Il est considéré par les services secrets occidentaux et pakistanais comme un important cadre d'Al-Qaïda potentiellement dangereux pour l'Occident.

Son arrestation avait été annoncée en juin par les autorités pakistanaises, et confirmée par les services français.

Mais ni Islamabad ni Paris n'avaient jugé bon à l'époque de préciser que trois autres Français, dont Naamen Meziche pourrait avoir été le recruteur, avaient été arrêtés avec lui. Les informations recueillies par l'AFP auprès de sources pakistanaises et occidentales le confirment aujourd'hui.

«Les quatre Français arrêtés l'an dernier, dont Naamen Meziche, sont détenus depuis plusieurs mois à Islamabad», indiquait récemment une source sécuritaire pakistanaise.

Selon des sources proches de l'enquête, les trois plus jeunes sont tous issus de familles d'origine maghrébine aux revenus modestes, pour certains en couple et pères de jeunes enfants.

«Ils avaient quitté la France en janvier 2012. Certains avaient alors dit à leurs familles vouloir se rendre à la Mecque», la ville sainte la plus sacrée de l'islam, en Arabie saoudite, explique la source proche du dossier.

Mais quatre mois plus tard, c'est au Pakistan qu'ils sont arrêtés par la police locale pendant qu'ils circulent avec Naamen Meziche dans le sud-ouest de ce pays, région frontalière de l'Iran et de l'Afghanistan et voisine des zones tribales, principal bastion d'Al-Qaïda et de ses alliés talibans dans cette partie du monde, et où Mohammed Merah était brièvement passé quelques mois avant de commettre ses meurtres.

Leur parcours de quatre mois entre la France et leur arrestation reste encore très flou.

«Ils ont été arrêtés juste après leur arrivée au Pakistan via l'Iran, où ils étaient entrés légalement à partir de la Turquie», note un des enquêteurs.

Ces derniers soupçonnent Naamen Meziche d'être venu les chercher dans cette région à partir des zones tribales pakistanaises avec l'intention de les y ramener.

Naamen Meziche devrait en principe lui aussi être libéré et expulsé vers la France, mais «le calendrier et les modalités de cette libération ne sont pas encore définis», note la source diplomatique française.

La France a adopté le 13 décembre dernier une nouvelle loi permettant de poursuivre des Français commettant des actes de terrorisme à l'étranger ou partant s'y entraîner au djihad. Mais elle ne pourra s'appliquer aux trois expulsés, car ces derniers ont été arrêtés avant son vote.

Des djihadistes internationaux combattent régulièrement en Afghanistan aux côtés des rebelles talibans contre la force de l'OTAN, dirigée par les Américains et à laquelle participe l'armée française, qui a cependant retiré la plus grande partie de ses troupes à la fin 2012, n'y laissant que des formateurs et des logisticiens.