Les dirigeants de la Serbie et du Kosovo n'ont pas réussi mardi à Bruxelles à conclure un accord sur la normalisation de leurs relations en dépit des pressions de l'Union européenne.

A l'issue de plus de douze heures de négociations, les deux Premiers ministres, le Serbe Ivica Dacic et kosovar Hashim Thaçi, ont dressé un constat d'échec en milieu de nuit.

Cette réunion avait pourtant été présentée comme celle de la conclusion du cycle de négociations conduit par Catherine Ashton, la chef de la diplomatie européenne, qui n'a pas ménagé ses efforts de médiation.

«En dépit de ces longues négociations, nous ne sommes pas parvenus à un accord ce soir», a déclaré M. Dacic à l'issue de cette 8e réunion depuis octobre 2012.

Tout en qualifiant de «difficiles» les discussions, il a affirmé être prêt à les poursuivre avec son homologue kosovar, Hashim Thaçi. «Nous avons encore du temps pour trouver une solution», a-t-il dit.

M. Thaçi a exprimé le souhait que les discussions puissent se poursuivre «la semaine prochaine».

Mme Ashton a cependant indiqué qu'aucune nouvelle réunion n'était prévue à Bruxelles. Les deux délégations «vont retourner dans leur capitale et consulter (...) puis me laisseront connaître leurs positions dans les prochains jours».

«Un certain nombre de propositions ont été mises sur la table. Le fossé entre les deux parties est très étroit, mais profond», a-t-elle reconnu.

Avant la réunion, les Serbes avaient exprimé un certain pessimisme sur la possibilité de s'entendre sur la question très sensible du nord du Kosovo, une région peuplée majoritairement de Serbes qui n'acceptent pas le contrôle de Pristina cinq ans après l'indépendance du Kosovo.

Les négociations ont achoppé sur le degré d'autonomie dont pourraient bénéficier les municipalités de cette région en échange de l'affirmation de l'autorité formelle de Pristina.

Belgrade réclame la création d'une «association» de ces municipalités qui disposerait de «pouvoirs exécutifs» pour la sécurité, la police et la justice.

Mais Pristina a jusqu'à présent refusé d'aller aussi loin, M. Thaçi ayant réaffirmé mardi que cette association n'aurait «en aucun cas des pouvoirs législatifs».

Les Kosovars craignent en effet qu'une autonomie poussée ne débouche sur une sécession à terme du Nord du pays, une menace brandie par certains Serbes du Nord.

Ce que cherche la communauté internationale, «c'est d'éviter à tout prix la création d'une "Republika Srpska" dans le nord du Kosovo», a expliqué un négociateur, en faisant allusion à l'entité serbe créée en 1992 en Bosnie.

L'adhésion à l'UE en suspens

En Serbie, la question est extrêmement sensible sur le plan politique. Le très influent vice-Premier ministre Aleksandar Vucic s'était ainsi joint à la réunion de Bruxelles, après avoir mis en garde contre les risques d'une «humiliation» de son pays.

Belgrade doit composer avec la pression des pays européens, pour qui un accord est la condition à la fixation d'une date d'ouverture des négociations d'adhésion de la Serbie à l'Union europénne. La Commission doit publier le 16 avril un rapport d'évaluation, qui sera soumis ensuite aux dirigeants européens avant leur sommet de juin.

M. Dacic a reconnu que, dans ce cadre, l'échec de la réunion pouvait représenter «un problème».

Quant au Kosovo, il espère obtenir de Bruxelles un signal positif en vue d'un futur rapprochement, qui s'annonce très lointain, avec l'UE.

Le «dialogue» engagé en 2011 ne porte pas sur la question de l'indépendance du Kosovo, à laquelle s'oppose la Serbie et qui n'est pas reconnue par cinq pays de l'UE. Mais il a conduit à des avancées qui semblaient improbables il y a quelques années, à l'image de l'accord conclu en décembre sur la question très sensible des points de passage entre la Serbie et le Kosovo.

La persistance d'un climat de tensions dans la région oblige néanmoins l'UE et l'OTAN à maintenir le déploiement coûteux de milliers de policiers et de soldats, essentiellement des Allemands et des Autrichiens.