Depuis son élection il y a deux semaines, le pape argentin François a suscité beaucoup d'espoir de changement parmi ceux qui estiment l'Église trop centralisatrice et passéiste. Les premiers signes de cette révolution annoncée sont mitigés. Les réformes de François pourraient fort bien toucher des régions inattendues de la foi.

Les derniers mois du pontificat de Benoît XVI ont été marqués par des guerres de coulisses au Vatican, avec moult indiscrétions médiatiques. L'avènement du pape François, qui dirigeait d'une main de fer le diocèse, a alimenté les spéculations sur une grande réforme. Les plus optimistes parmi les critiques de l'Église ont évoqué une décentralisation sur le modèle protestant, pour permettre aux catholiques occidentaux de fixer des idéaux moraux plus modernes. Voici quelques indications préliminaires de la pensée de François.

Mariage des prêtres

Les partisans du mariage des prêtres mettent beaucoup d'espoir dans un livre d'entretiens du pape François avec un rabbin argentin, publié l'an dernier, où il explique que la règle du célibat des prêtres est une question de «discipline» plutôt que de «foi» et «peut changer».

Sur le ciel et la terre ouvre la porte à l'ordination des hommes mariés dans certaines régions du monde, «pour des raisons culturelles», même si François est lui-même en faveur du célibat. À noter: cela signifie qu'un prêtre ordonné au moment où il est célibataire ne peut pas se marier par la suite. C'est la règle en vigueur dans les Églises catholiques de rite oriental.

Sacrements plus faciles

Une avenue ouverte par Benoît XVI, faciliter l'accès aux sacrements comme le baptême et la première communion, pourrait fort bien être élargie par François.

Quand il était archevêque de Buenos Aires, il avait critiqué les prêtres «pharisiens» qui refusaient de baptiser les enfants de couples non mariés. Il avait également institué des «journées de baptême» au cours desquelles quiconque pouvait recevoir le sacrement. Le vaticaniste Sandro Magister, du magazine italien L'espresso, note que dans des entrevues, François a cité l'Église du Japon qui, entre les XVIIIe et XIXe siècles, a vécu sans prêtre et a continué à faire des baptêmes et des mariages.

François a affirmé à la revue italienne 30 Giorni, en 2009, que les sacrements «font partie de la vie» des hommes et des femmes ordinaires, qui «ne font pas tant de discours» à leur sujet. La longue formation à la première communion, obstacle pour plusieurs catholiques qui ne vont pas à la messe, pourrait être réduite - pour préserver «les petites flammes de désir», disait Benoît XVI, selon M. Magister.

Pas de nominations

Rompant avec la tradition de conserver les hauts fonctionnaires en place à l'arrivée d'un nouveau pape, François a annoncé que le renouvellement des mandats ne serait que temporaire.

Dans une entrevue au Globe and Mail, le cardinal Marc Ouellet, préfet de la Congrégation des évêques, qui supervise les nominations épiscopales partout dans le monde, estime pour sa part avoir eu un «vote de confiance» de la part du pape, qui l'a chargé d'une mission «très concrète» lors de leur première rencontre.

Saint François d'Assise

Cette semaine, le Vatican a révélé le discours du pape François aux «congrégations générales» tenues avant le conclave. Plusieurs cardinaux ont dit l'avoir choisi à cause de ce discours, dans lequel il a dénoncé une «Église autoréférentielle qui vit en elle-même, d'elle-même et pour elle-même» à cause d'un «narcissisme théologique». Cela ne signifie pas qu'il veut décentraliser l'Église, selon le vaticaniste Sandro Magister, qui estime que ces rumeurs sont des analyses «pseudofranciscaines». «Saint François mettait beaucoup d'importance dans l'obéissance au pape, et dans l'obéissance de ses frères à ses ordres, dit M. Magister. Le pape François, comme lui, mettra beaucoup d'accent sur la loyauté.»

Dans une entrevue avec La Presse à Buenos Aires, Andres Aguerre, vice-provincial des jésuites argentins, a expliqué que François accorde beaucoup d'importance au charisme du discernement, spécialité des jésuites: «Il s'agit de bien évaluer une situation et les options et de prendre la meilleure décision. Une fois que la décision est prise, elle doit être mise en oeuvre par les subordonnés.»