Le président italien Giorgio Napolitano a pris la main vendredi pour tenter de démêler un écheveau complexe, pris entre les exigences de la gauche, de la droite de Silvio Berlusconi et des contestataires menés par l'ex-humoriste Beppe Grillo.

En réaction une équation politique difficile, le président Napolitano avait rendez-vous vendredi avec le PDL de M. Berlusconi, le Mouvement Cinq Étoiles (M5S) de Beppe Grillo, suivi des centristes de Mario Monti et du chef de la gauche Pier Luigi Bersani.

La gauche a obtenu la majorité absolue à la Chambre des députés aux élections législatives de fin février, mais pas au Sénat, où la droite de M. Berlusconi et la gauche menée par le M5S ont un poids similaire.

En sortant de sa rencontre avec le président Napolitano, le Cavaliere a expliqué avoir une nouvelle fois proposé une alliance droite-gauche (PD-PDL) pour gouverner le pays.

«Au nom de la rationalité et de l'intérêt du pays, on doit trouver une manière de donner naissance à un gouvernement ensemble. Nous sommes encore disponibles pour donner vie à un gouvernement de coalition», a déclaré M. Berlusconi, 76 ans.

Mais pour M. Bersani, un tel gouvernement dit de «grande coalition» n'est pas acceptable, car il provoquerait la colère de son électorat et pourrait faire imploser son parti.

M. Berlusconi a par ailleurs nié tout marchandage avec la gauche consistant en un appui indirect (par exemple via une abstention) lors du premier vote de confiance au parlement en échange d'un nom choisi à droite pour la présidence de la République.

«Il n'y a eu aucune discussion et encore moins de position présentée de notre part au président concernant le Quirinal» (palais de la présidence), a assuré le Cavaliere.

Selon la presse, désireux de se doter d'une immunité maximale en rapport à ses ennuis judiciaires, le magnat des médias aurait exigé que le candidat soit lui-même ou son bras droit de toujours Gianni Letta. Il aurait aussi été galvanisé par des sondages voyant le PDL en hausse. Selon l'institut SWG, la coalition berlusconienne serait en tête avec 32,5% en cas de nouveau scrutin, battant largement la gauche à 29,6% et le M5S donné en décrue à 24,8%.

M. Berlusconi serait désormais sur une position du «tout ou rien», soit la présidence pour son camp soit un retour aux urnes en juin ou juillet, une hypothèse improbable techniquement puisque le parlement doit d'abord élire le successeur de M. Napolitano d'ici au 15 mai.

Pour le chef de l'État, la situation est d'autant plus inextricable qu'aussi bien PD que PDL refusent pour l'instant l'idée d'un gouvernement appelé «du président», qui serait dirigé par une personnalité neutre et se limiterait à quelques mesures (loi électorale, budget, réduction des coûts de la politique) avant de nouvelles élections dans 9 ou 12 mois. «Plus jamais de gouvernement simili-Monti simplement pour mettre des taxes et tuer les entreprises», a asséné Roberto Maroni, l'allié Ligue du Nord de M. Berlusconi, au même point presse que le Cavaliere.

Selon plusieurs journaux, la ministre de l'Intérieur, Anna Maria Cancellieri, un grand commis de l'État apprécié à droite comme à gauche, pourrait prendre la tête d'un tel exécutif de transition.

Pour le moment, pendant les consultations menées par M. Napolitano, la mission que le président avait confiée samedi dernier à M. Bersani pour tenter de former un gouvernement est de facto «congelée».

Dans un épisode mélodramatique typique en Italie, M. Bersani était monté jeudi soir au Quirinal et avait constaté la mine défaite le «non-aboutissement» de négociations de plusieurs jours avec les autres forces. Mais face aux médias qui parlaient d'échec, le PD s'est empressé de préciser que M. Bersani n'a pas jeté l'éponge et qu'«il ne renonce pas» à bâtir un exécutif.

Le chef du PD a dénoncé des «entraves et conditions inacceptables», une allusion à la position du PDL et à l'attitude hostile du M5S. Le mouvement de Beppe Grillo, pourtant émanation d'un électorat plutôt proche de la gauche, lui a opposé un nouveau camouflet humiliant cette semaine, refusant de voter ne serait-ce que la confiance initiale nécessaire pour lancer la législature.

Le chef de l'État sait que le temps presse alors que l'économie italienne, troisième de la zone euro, est plongée dans une profonde récession et que les partenaires étrangers s'inquiètent.

«Arrêtons de jouer», titrait vendredi sur cinq colonnes à la Une le principal journal économique italien Il Sole 24 Ore, en rappelant dans un éditorial qu'«un jeune sur deux est sans travail» et que «des dizaines d'entreprises ferment leurs portes chaque jour».