La police parisienne a utilisé des gaz lacrymogènes et des matraques pour lutter contre une foule qui a forcé son chemin sur les Champs-Élysées et en direction du palais présidentiel dans le cadre d'une gigantesque manifestation contre un projet de loi permettant aux couples homosexuels de se marier et d'adopter des enfants.

Des centaines de milliers de personnes - militants conservateurs, enfants, retraités, prêtres - ont convergé vers la capitale dans une ultime tentative de bloquer le projet de loi; plusieurs ont été transportées par autobus en provenance de diverses provinces françaises.

La violence a surpris manifestants et policiers, et laissé penser que les manifestations contre le mariage gai sont devenus des exutoires pour la colère et la déception envers la présidence de François Hollande.

La mesure a été approuvée en février par la Chambre des députés et doit faire l'objet d'un vote au Sénat en avril. L'Assemblée nationale est dominée par le Parti socialiste, du président François Hollande, et ses alliés.

Les nombreuses manifestations dirigées par les conservateurs dans ce pays traditionnellement catholique ont grugé l'appui envers le projet de loi au cours des derniers mois, et les organisateurs espèrent que la mobilisation de dimanche incitera le Sénat à s'y opposer.

Les premières heures de la manifestation ont été pacifiques. Mais alors que l'événement s'achevait, environ 100 jeunes ont tenté de forcer les barricades policières bloquant l'accès aux Champs-Élysées, l'avenue touristique qui traverse le centre de Paris. Symbole de la sensibilité du dossier, les manifestants ne pouvaient circuler sur la fameuse artère parisienne.

Des policiers ont affronté les jeunes, certains à la tête rasée, d'autres portant des capuchons ou des masques, avant de faire usage de gaz lacrymogènes pour les forcer à reculer. De plus en plus de manifestants sont passés par des rues secondaires pour se retrouver sur les Champs-Élysées, bloquant une intersection importante sur l'itinéraire permettant d'arriver à l'Élysée, le palais présidentiel. Certains manifestants ont réussi à parvenir à moins de 100 mètres de l'entrée du palais présidentiel.

La police a tiré d'autres grenades lacrymogènes, principalement contre certains jeunes particulièrement agressifs, mais n'a pas pu empêcher la foule de se déverser sur l'avenue. Des protestataires de tous les âges, toussant et les yeux irrités, ont scandé «Hollande, démission!», avant d'entonner La Marseillaise, l'hymne national.

Lorsque François Hollande a pris le pouvoir en mai, la plupart des électeurs appuyaient l'idée du mariage gai et peu d'entre eux s'attendaient à ce que le projet de loi soit contesté. Mais la désillusion provoquée par l'incapacité du président de combattre le chômage ou relancer l'économie - une plus grande inquiétude pour les Français - a alimenté le ressentiment envers le projet de loi du «mariage pour tous».

Un responsable de la police parisienne a indiqué que deux personnes avaient été arrêtées, et qu'aucune blessure n'avait été rapportée. Selon lui, environ 300 000 personnes ont participé à la manifestation de dimanche, soit un peu moins que lors d'un événement similaire en janvier. Les organisateurs ont pour leur part estimé que 1,4 million de personnes avaient défilé, davantage qu'en janvier.

Selon les sondages, une majorité de Français est toujours en faveur du mariage homosexuel mais ce nombre tend à diminuer. Les coups de sonde révèlent toutefois que les électeurs français sont moins ouverts à l'adoption par les couples de même sexe.

Frigide Barjot, le nom d'emprunt de la militante qui a organisé des manifestations contre le projet de loi, a insisté que le mouvement contre le mariage gai n'était pas une cause perdue.

«Il s'agit du deuxième round, pas de la dernière bataille.»