Le pouvoir de François Hollande fait face à son premier scandale d'ampleur avec la démission contrainte du ministre du Budget Jérôme Cahuzac, à quelques heures d'une motion de censure débattue mercredi à l'Assemblée, tandis que les mauvais sondages se multiplient pour l'exécutif.

Cote de popularité en berne, mauvais indicateurs économiques et sociaux, problèmes de communication.... la démission de Jérôme Cahuzac, l'un des piliers du gouvernement, survenue en pleine préparation du budget, tombe au plus mal.

Même si l'intéressé a de nouveau clamé son innocence - il est soupçonné d'avoir possédé un compte en Suisse, ce qui va désormais faire l'objet d'une enquête judiciaire - les accusations portées contre lui égratignent sévèrement l'image d'un gouvernement «exemplaire», revendiquée par François Hollande.

Le président français a annoncé avoir accepté la démission de Jérôme Cahuzac, trois heures après que le parquet a annoncé l'ouverture d'une information judiciaire pour blanchiment de fraude fiscale sur cette affaire, d'autant plus explosive que M. Cahuzac, a fait de la lutte contre l'évasion fiscale un de ses chevaux de bataille.

La police scientifique a notamment estimé que Jérôme Cahuzac était bien la personne évoquant la détention d'un compte dans une banque suisse dans un enregistrement téléphonique diffusé en décembre par le site d'information Mediapart.

Et à Genève, le procureur a confirmé mercredi avoir reçu une demande d'entraide judiciaire le 12 mars, «actuellement en examen», de la part des autorités judiciaires françaises dans le cadre de l'affaire.

En agissant vite, le chef de l'État, qui a souligné le «talent et la compétence» de l'ancien ministre, et salué «la décision qu'il a prise de remettre sa démission de membre du gouvernement pour mieux défendre son honneur», a voulu éviter le pourrissement.

«On entrait dans un cycle où le feuilleton judiciaire risquait de devenir un feuilleton politique», confie un proche du président, estimant qu'au nom de l'«exemplarité» il «valait mieux agir tout de suite».

«Discours d'un chef»

À la table du Conseil des ministres mercredi matin, Bernard Cazeneuve, nouveau titulaire du portefeuille, prendra la place qu'occupait jusqu'alors Jérôme Cahuzac.

Ému aux larmes, Jérôme Cahuzac a salué mercredi lors d'une cérémonie de passation de pouvoir la nomination de son «ami» Bernard Cazeneuve pour lui succéder comme «la seule bonne nouvelle».

Bernard Cazeneuve, ancien ministre des Affaires européennes n'hérite pas d'une mission facile : il devra rapidement reprendre les douloureuses discussions entamées par son prédécesseur avec chacun de ses collègues du gouvernement pour trouver les économies à réaliser afin de réduire le déficit.

Il n'y a pas de nouvelle tête au gouvernement à l'issue de cette mini-crise politique, puisque Bernard Cazeneuve est lui-même remplacé par Thierry Repentin (ex-Formation professionnelle), dont le portefeuille échoue au ministre du Travail Michel Sapin.

Après le premier Conseil des ministres de ce gouvernement remanié, ses membres affrontent dans l'après-midi à l'Assemblée nationale l'épreuve de la motion de censure déposée par l'UMP (opposition de droite), requinquée par les déboires de l'exécutif.

Sur le fond, pas de doute : la procédure est vouée à l'échec puisque la gauche est largement majoritaire dans l'hémicycle, où les socialistes disposent à eux seuls de la majorité absolue.

Mais elle permet au président de l'UMP Jean-François Copé, très affaibli par sa bataille à la direction avec François Fillon, de se positionner en premier opposant à François Hollande.

Comme il le fait régulièrement dans les médias, Jean-François Copé réitérera ses critiques envers la politique économique et sociale du gouvernement. Il détaillera les «cinq engagements solennels» pris par le candidat François Hollande qui, selon lui, se traduisent par autant d'«échecs» : chômage, croissance, déficits, Europe, impôts.

Le premier ministre Jean-Marc Ayrault a exprimé son «impatience» d'y répondre pour avoir «une explication de fond» avec la droite. Il tentera par la même occasion de remonter le moral de ses troupes.

Le porte-parole des députés socialistes Thierry Mandon, a expliqué que ses collègues attendaient le «discours d'un chef, d'un patron de majorité qui sait où il va, qui sait comment il le fait et par quels moyens y parvenir». Des attentes qui sont comme autant de critiques vis-à-vis du gouvernement et de son chef.