Des dizaines de milliers de Bulgares ont défilé dimanche dans une trentaine de villes du pays pour protester contre la pauvreté et exprimer leur colère contre les élites politiques, une mobilisation d'une ampleur sans précédent organisée par des groupes de la société civile.

«Ras-le-bol des factures élevées, des revenus bas, de la corruption partout; ras-le-bol des promesses des hommes politiques», s'emporte Mariana Rachkova, 50 ans, à Sofia.

«Notre dernière facture d'électricité est de 400 leva (275 CAD), alors que je suis au chômage et que mon mari touche 700 leva (480 CAD). Nous aidons de plus ma mère handicapée qui a une pension de 160 leva (110 CAD)», se plaint-elle.

Mariana avait voté il y a trois ans pour Boïko Borissov, le premier ministre conservateur qui a démissionné mercredi sous la pression de la rue.

«J'avais cru ses promesses de débarrasser (le pays) des mafieux, de les faire juger», regrette-t-elle.

Un peu plus de 10 000 personnes sont descendues dans la rue à Sofia, selon une estimation de l'AFP, brandissant le drapeau national et scandant «Les partis dehors!» ou encore «Nous sommes nombreux, nous sommes forts!».

Sur leurs banderoles, on pouvait lire «Unité contre le pillage» ou encore «Stop à la mafia».

Le président Rossen Plevneliev, apparu devant les manifestants, a été accueilli par un concert de sifflets, alors qu'il les remerciait de «leur position civile active».

Il a invité des représentants des manifestants, avec ceux des syndicats et des employeurs, à «discuter des problèmes importants devant le pays» dès la semaine prochaine à la présidence.

M. Plevneliev doit former un cabinet d'experts chargé d'organiser des élections anticipées au printemps.

«Borissov a abdiqué et les députés s'apprêtent à le suivre. Qui va nous sortir de ce chaos?», s'inquiète Petar Ivanov, un comptable d'une quarantaine d'années.

Une classe politique plus que jamais corrompue

La foule était pour le moins hétéroclite et les revendications disparates: des écologistes réclamant une préservation des parcs naturels, aux étudiants indignés de la hausse de leurs frais de scolarité, aux personnes mécontentes des banques ou de l'état des hôpitaux ou encore aux mères dénonçant la faiblesse de leurs allocations familiales.

Mais tous s'accordaient à rendre responsable de leurs maux une classe politique jugée plus que jamais corrompue.

«La corruption n'a jamais arrêté de gouverner, pendant ces 23 ans depuis la fin du communisme. J'ai été licenciée pour avoir essayé d'exercer un contrôle sur des entreprises appartenant aux oligarques», affirme à l'AFP Nikolina Koleva, ancienne employée du fisc.

«Il faut un changement total du système, mais les hommes politiques ne se laisseront pas faire», souligne-t-elle redoutant «une guerre civile».

Des manifestations se sont également tenues, toujours dans le calme, dans une trentaine de villes de province. La plus importante s'est déroulée à Varna (est), avec la participation de plusieurs dizaines de milliers de manifestants, selon les médias locaux.

Il s'agit des plus grands rassemblements en Bulgarie sans la participation des partis politiques, les manifestants s'organisant sur les réseaux sociaux.

Dans la deuxième ville du pays, Plovdiv, au sud, qui a vu défiler environ 10 000 manifestants, un texte de la constitution a été brûlé.

Les manifestants ont de nouveau réclamé une nouvelle constitution garantissant «une participation plus active de la société civile dans les institutions de l'État».

La trentaine de groupes de la société civile bulgare, à l'origine de la mobilisation populaire entamée il y a quinze jours, s'était réunie samedi à Sofia et à Sliven (est) pour essayer d'unifier leurs revendications.

Ils veulent pêle-mêle une représentation civile de 50% au parlement et la possibilité de faire perdre aux députés leur immunité et leur siège avant la fin de leur mandat.

Ils exigent aussi un moratoire sur le paiement des factures d'électricité, une suppression de la TVA sur l'énergie électrique, ainsi que l'ouverture d'enquêtes sur la privatisation d'entreprises bulgares et sur l'utilisation des fonds européens.