Fatigués par les scandales politiques et la récession, les électeurs italiens ne savent plus à quel saint - cornu - se vouer à deux semaines des législatives des 24 et 25 février. Un magnat de la presse avec des tours plein son sac? Un économiste austère? Un comédien à l'humour noir? Un ancien communiste terre-à-terre, voire terne? Pour l'instant, ce dernier, le démocrate Pier Luigi Bersani, mène la course, talonné par l'increvable Silvio Berlusconi. Des élections pas banales où se joue, mine de rien, l'avenir de l'euro.

Casque jaune vissé sur la tête, en solidarité avec les ouvriers italiens, l'humoriste devenu politicien Beppe Grillo gesticule sur une petite scène dans le centre-ville de Bologne comme un diable dans l'eau bénite. Ses diatribes contre «les escrocs au Parlement» fouettent le sang d'une foule d'électeurs indécis en ce samedi soir glacial et pluvieux.

Au 18e jour de son «Tsunami tour», Beppe Grillo, chef du Mouvement 5 étoiles, s'emporte spécialement contre les mesures d'austérité de Mario Monti, premier ministre sortant. «La maison, c'est sacré, comment ose-t-il la taxer?» s'écrie-t-il, en référence à l'impopulaire taxe d'habitation IMU, qui a rapporté 23 millions d'euros à l'État en 2012.

Franco Serafini, médecin de 45 ans, comptait voter pour lui aux élections nationales des 24 et 25 février. «Il est démagogue, affirme celui qui avait voté Berlusconi au dernier scrutin. Mais la situation en Italie est tellement difficile qu'il faut la secousse que son parti peut apporter.»

Un nombre grandissant d'électeurs désillusionnés se tournent vers le démon à la crinière argenté, sorte de Michael Moore italien dont le mouvement arrive troisième dans les sondages, avec 18%, soit quatre points devant la coalition centriste de Mario Monti.

«Je veux faire entrer les classes populaires au gouvernement, explique à La Presse l'homme de 64 ans, dont le blogue est le plus visité du pays. Je rêve d'une démocratie transparente où les séances parlementaires seront diffusées sur l'internet.» Pour l'heure, une centaine de ses candidats, surtout des citoyens lambda, sont en bonne position d'être élus.

Sexe, sang et sport

Mais voilà, la vieille garde a la vie dure. La surprise de la course électorale est l'ascension spectaculaire d'un comeback kid de 76 ans: Silvio Berlusconi. À la suite d'une tournée tous azimuts des plateaux de télévision, son parti, le Peuple de la liberté, est passé de 14% à 28% dans les sondages.

Le secret du vieux renard, qui dispute sa sixième campagne en 20 ans? Il en a trois: le sexe, le sang, le sport. D'abord, il annonce ses fiançailles à Francesca Pascale, jeune femme pulpeuse de 48 ans sa cadette. Un coup de jeunesse dont il avait bien besoin.

Ensuite, le sang. Le 27 janvier, jour de commémoration de l'Holocauste, Berlusconi déclare que le dictateur fasciste Benito Mussolini, allié de Hitler, «avait fait de bonnes choses» mis à part ses lois antisémites. Un avis que partage la moitié des Italiens.

Enfin, il fait entrer Mario Balotelli, superstar et enfant terrible du soccer, dans son équipe AC Milan. Une manoeuvre qui lui fait gagner 0,3% selon la firme de sondage SWG.

L'euro en jeu

Berlusconi a cependant une épine au pied: l'économie. Le technocrate Mario Monti l'avait remplacé d'urgence en novembre 2011 pour réduire - avec succès - le déficit galopant du pays et calmer les marchés.

D'ailleurs, l'homme de chiffres s'est transformé en machine politique depuis qu'il a embauché David Axelrod, stratège américain derrière la réélection de Barack Obama.

Boudé par les Italiens à cause de sa rigueur budgétaire, Mario Monti lance des flèches sarcastiques à ses adversaires au lieu de causer réformes et PIB. Il promet même une baisse des impôts, ce qui soulève la méfiance chez l'électorat.

«Il dit qu'il fera tout le contraire de ce qu'il a fait avant, explique Paola Rizzi, avocate de 56 ans résidant à Bologne. Ce n'est pas sérieux.»

Appuyés par le milieu des affaires, l'ancien professeur et sa coalition centriste ne récoltent que 14% des intentions de vote. Un résultat qui fait craindre le pire au reste de l'Europe. Car une trop grande marche arrière sur l'austérité pourrait faire exploser le coût du financement de la dette italienne et refouler la troisième économie de la zone euro au bord du précipice.

Secondes élections

Mais la politique italienne étant une affaire de pactes et de tractations, Monti pourrait former un gouvernement avec l'alliance de gauche menée par Pier Luigi Bersani, en tête dans les sondages. Selon les projections actuelles, la majorité parlementaire échappera de peu au chef du Parti démocrate, crédité de 34%.

Si ce mariage de raison se confirme, les Italiens n'auront pas fini d'encaisser la cure d'austérité de Monti.

Ce qui provoquera un tel tollé que de nouvelles élections seront inévitables d'ici à la fin de l'année, prédit Beppe Grillo. «À moins d'une révolution sanglante, il y aura un nouveau scrutin et cette fois-là, nous remporterons tout», prophétise-t-il, une lueur malicieuse dans le regard.

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La campagne en citations


«C'est un bel essai de corrompre les Italiens avec leur propre argent.»

- Mario Monti au sujet de la promesse de Silvio Berlusconi d'abolir l'impopulaire taxe d'habitation IMU et de rembourser aux contribuables leur paiement de 2012

«Mario Balotelli a marqué deux buts contre l'Allemagne [à l'Euro 2012] et a fait pleurer les Allemands. Mario Monti, lui, a fait pleurer les Italiens.»

- Silvio Berlusconi, après l'achat du footballeur Mario Balotelli pour son équipe AC Milan

«J'annonce que je suis en négociations pour faire venir Leo Messi [meilleur joueur de soccer du monde] à ma ville natale Bettola.»

- Pier Luigi Bersani, chef du Parti démocrate, ironise devant les manoeuvres populistes de Berlusconi.

«L'Italie est l'alliée de la France qui bombarde le Mali. Si les terroristes d'Al-Qaïda se fâchent et veulent nous cibler, on va leur donner les coordonnées exactes: 41°54 latitude nord. C'est le Parlement, à Rome! Mais qu'ils le fassent avant le 25 février. Après nous serons là!»

- Beppe Grillo, chef du Mouvement

5 étoiles

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Silvio rattrapé par ses infidélités


«C'est un dragon auquel s'offrent de jeunes vierges.» C'est en ces termes que Veronica Lario a annoncé au monde entier sa séparation avec Silvio Berlusconi en mai 2009, après près de 20 ans de mariage. La présence de son époux au 18e anniversaire d'une starlette du petit écran avait été la goutte de trop pour la première dame d'ordinaire discrète.

La mère de trois des enfants de Berlusconi peut enfin crier vengeance. Le 28 janvier, un tribunal de Milan a ordonné à l'ancien premier ministre de lui verser une pension annuelle de 48 millions de dollars, soit 134 000 dollars par jour. C'est 10 fois plus que ce qu'avait offert le Cavaliere, dont la fortune personnelle est estimée à 6 milliards de dollars par Forbes. Sa réaction ne s'est pas fait attendre. Il a traité les juges de «féministes communistes» sur un plateau de télévision. Sa nouvelle fiancée de 27 ans, Francesca Pascale, a préféré garder le silence.