Des milliers d'étudiants espagnols sont descendus dans les rues lors de trois journées de grève, cette semaine, pour défendre un système éducatif déjà classé parmi les plus faibles de l'Union européenne et qu'ils estiment menacé par les coupes budgétaires.

Aux cris de « ne touchez pas à l'enseignement public », étudiants et lycéens ont manifesté jeudi soir à Madrid, comme déjà la veille, aux côtés des enseignants et des parents cette fois.

« Les classes sont surchargées, nous avons moins d'heures de laboratoire, moins de travaux pratiques », racontait Javi Vaca, un lycéen de 16 ans.

Soledad Hernandez, professeur d'anglais de 49 ans, dénonçait elle aussi des conditions de travail qui se dégradent : « J'ai des classes de 37 élèves, avec seulement trois heures de cours par semaine, il est impossible de pratiquer l'oral » dans ces conditions.

« Dans mon université, nous avons passé l'hiver sans chauffage, avec beaucoup trop d'élèves dans chaque classe », témoignait Javier Marin, étudiant instituteur de 19 ans, qui participait à la manifestation de mercredi.

Le gouvernement de droite de Mariano Rajoy avait décidé l'an dernier d'économiser trois milliards d'euros par an dans l'éducation, dans le cadre de sa politique de rigueur visant à redresser les comptes publics de l'Espagne.

Les régions, qui gèrent ce budget comme celui de la santé, ont ainsi été autorisées à augmenter les frais d'inscription à l'université de 50 %, passés en moyenne de 1000 à 1500 euros, et à accroître de 20 % le nombre d'étudiants par classe.

« Je ne sais pas si je pourrai faire mes études à l'université. Ma soeur y est déjà et je ne sais pas si ma famille pourra payer nos études à toutes les deux », confie Lucia Moya, une lycéenne madrilène de 16 ans qui aimerait commencer des études de sciences politiques.

Pour les enseignants comme pour les étudiants, ces coupes budgétaires portent durement atteinte au système éducatif du pays, dont plusieurs enquêtes internationales dénoncent les failles.

Selon l'UNESCO, un élève espagnol sur trois abandonne l'école avant la fin de la scolarité obligatoire à 16 ans, tandis que, selon un rapport de l'OCDE, le niveau scolaire en Espagne se situe sous la moyenne des pays développés et de l'Union européenne.

En Espagne, « les emplois peu qualifiés sont très nombreux », affirme José Saturnino Martinez, professeur de sociologie à l'université de la Laguna aux Canaries, expliquant ainsi le fort taux d'abandon à l'école, surtout durant les années où le pays a connu une croissance portée par le développement de la construction.

Mais avec l'éclatement de la bulle immobilière en 2008, un chômage qui dépasse aujourd'hui 55 % chez les 16-24 ans, de nombreux jeunes sont à présent plus tentés par l'école que par la recherche d'emploi.

« Dans les régions du sud de l'Espagne où il y avait davantage de débouchés dans la construction, beaucoup d'élèves ne pensaient qu'à une chose, arriver jusqu'à 16 ans, abandonner l'école et entrer sur le marché du travail », explique Lucia Alvarez, professeur de sciences de l'éducation à l'université d'Oviedo.

« Ce modèle était erroné et nous le constatons aujourd'hui. Nous assistons à présent à la tendance contraire : ceux qui avaient abandonné leurs études reviennent à l'école », ajoute cette universitaire.

Dans ce contexte, le monde de l'éducation a multiplié ces derniers mois les manifestations pour défendre l'enseignement public, à l'heure où l'Espagne a cruellement besoin de formation et d'emplois qualifiés si elle veut retrouver une économie compétitive.

Jeudi, dans le cortège madrilène, Carol Martin, une mère de famille de 37 ans, était venue accompagnée de son petit garçon de trois ans, pour témoigner de son inquiétude : « Je vois l'avenir de mon fils en noir. Ils réduisent les aides pour la cantine, le nombre d'enseignants. Cela nuit à la qualité de l'enseignement, alors que c'est la clé de la réussite pour un pays ».