À un an des Jeux d'hiver de Sotchi, Human Rights Watch (HRW) a dénoncé mercredi les formes «d'escroquerie et d'exploitation» dont sont victimes des travailleurs migrants participant à la construction des sites olympiques, et a reproché à la Russie de fermer les yeux sur ces abus.

Dans un rapport intitulé La course vers le bas, l'ONG relate de multiples violations de droits sociaux sur ce vaste chantier olympique, qui a drainé des dizaines de milliers de travailleurs, dont 16 000 non-Russes.

À partir des témoignages d'une soixantaine d'entre eux, originaires d'Arménie, du Kirghizstan, de Serbie, du Tadjikistan, d'Ouzbékistan et d'Ukraine, HRW dresse un sombre tableau : salaires payés à moitié, versés le plus souvent en retard, voire pas payés du tout, passeports et permis de travail confisqués, et des semaines de travail à rallonge de 12 heures par jour, avec seulement une journée de repos par quinzaine.

Ceux qui se sont plaints de leur sort à leurs employeurs ont été dénoncés aux autorités, ce qui a entraîné leur expulsion du territoire, selon l'ONG. En introduction, HWR cite un des ces travailleurs, un Ukrainien nommé «Maxim» : «Les gens travaillent, ils ne sont pas payés, et partent. Un bus arrive ensuite, et déverse un nouveau groupe de travailleurs, ainsi se répète le cycle».

«Il y a un contraste entre l'idéal olympique de dignité humaine et la réalité très dure sur le terrain de ces travailleurs qui bâtissant les Jeux olympiques les plus chers du monde», a insisté Minky Worden, une des responsables de l'ONG, lors d'une conférence de presse.

Du village olympique au centre des médias, l'auteur de ce rapport, Jane Buchanan, a recensé des violations des lois russes sur le travail sur tous les sites visités : «Ces abus allaient, dans les cas les plus graves, du non-paiement de mois de salaires promis à une pratique plus commune sur certains sites consistant à retenir les premiers mois de salaire afin de garantir que les travailleurs ne partent pas avant que l'employeur juge qu'ils n'étaient plus nécessaires».

Réticence

Pour Human Rights Watch, «les abus et l'exploitation de ces travailleurs suggèrent fortement une incapacité ou une réticence de la part des autorités russes et des entreprises privées à garantir les droits basiques des travailleurs migrants».

Aussi, elle presse la Russie et le CIO de faire de la surveillance de cette situation une priorité essentielle.

«Nous voyons les mêmes schémas, avec les mêmes abus chaque fois qu'il y a des JO ou un événement sportif majeur dans un pays où les droits de l'homme et les lois sociales ne sont pas totalement respectés», a souligné Jane Buchanan.

«Il y a une tradition, mais cette tradition doit cesser, a renchéri Minky Worden. Nous pensons que le CIO doit en faire plus parce que c'est lui qui supervise tout le processus».

Le Comité international olympique, avisé par l'ONG cet automne, a reçu mardi ses représentants. «Nous nous sommes toujours engagés à obtenir des réponses claires et précises du comité d'organisation concerné et, à travers celui-ci, des autorités locales. Nous l'avons déjà fait pour des cas liés à Sotchi», a assuré le CIO, qui dit suivre la situation.

Les autorités russes ont rejeté les accusations de Human Rights Watch. La société publique Olimpstroï, qui gère l'ensemble des travaux olympiques, a fait valoir que des contrôles réguliers étaient effectués et que si quelques infractions avaient été relevées, elles étaient liées à des problèmes de sécurité.

Le directeur du service régional de l'immigration pour la ville de Sotchi, Edouard Bidjakov, a déclaré à l'AFP que s'il y avait pu y avoir des cas de violations des droits de certains travailleurs, les abus ne pouvaient aucunement être considérés comme «systémiques», comme l'affirme l'ONG.