Le scandale de corruption qui fragilise le chef du gouvernement de droite espagnol, Mariano Rajoy, a tourné dimanche à la crise politique, l'opposition socialiste réclamant son départ afin de résoudre la «situation très grave» que traverse le pays.

Mariano Rajoy «doit abandonner la présidence du gouvernement», parce qu'il «ne peut pas faire face à la situation très grave que traverse l'Espagne», a lancé le chef du Parti socialiste, Alfredo Perez Rubalcaba, réagissant au scandale qui soulève l'indignation populaire.

Samedi, M. Rajoy avait fermement nié avoir reçu de l'argent non déclaré, démentant des informations parues deux jours plus tôt dans le quotidien El Pais, qui citaient son nom parmi une liste de supposés bénéficiaires de paiements occultes.

«Jamais, je répète, jamais je n'ai reçu ni distribué d'argent au noir», a-t-il affirmé devant la direction du Parti populaire, qu'il préside depuis 2004, excluant de démissionner et annonçant qu'il publierait prochainement sa déclaration de revenus.

Mais ces révélations, dans un pays excédé par la multiplication des affaires de corruption, au moment où les Espagnols sont soumis à de lourds sacrifices sociaux, ont provoqué un déferlement de réactions indignées.

Depuis des mois, les dirigeants politiques espagnols battent des records d'impopularité. Mais selon un sondage publié dimanche par El Pais, le PP est tombé au plus bas dans les intentions de vote depuis sa victoire électorale de novembre 2011, à 23,9%, presque à égalité avec les socialistes (23,5%), le principal parti d'opposition.

Si les manifestations, quotidiennes depuis jeudi à Madrid ou Barcelone, restent d'une ampleur limitée, une pétition réclamant la démission de Mariano Rajoy, lancée jeudi sur la plateforme Change.org, avait recueilli environ 766 000 signatures dimanche à la mi-journée.

Sur les réseaux sociaux comme dans la rue, l'enveloppe, brandie par les manifestants, ou dessinée sous forme d'icône, est devenue en trois jours le nouveau symbole du mécontentement qui s'est emparé du pays.

M. Rajoy «ne peut diriger notre pays dans ce moment délicat. Sa présence ne va pas permettre de résoudre la crise politique», a lancé dimanche M. Rubalcaba, en lui demandant «d'abandonner la présidence».

Le chef du Parti socialiste, adversaire malheureux de M. Rajoy en 2011, n'a en revanche pas réclamé de nouvelles élections dans l'immédiat.

«Des élections anticipées sont une possibilité, mais nous croyons que ce qui est important en ce moment, c'est un changement à la tête du gouvernement», a-t-il dit.

Pour M. Rubalcaba, Mariano Rajoy «a raison lorsqu'il affirme que l'Espagne a besoin de stabilité et de force pour sortir de la crise».

«Mais pour y parvenir, il faut un gouvernement fort, qui inspire confiance, et le gouvernement a cessé d'être cela, à commencer par son président», a-t-il affirmé, accusant Mariano Rajoy d'avoir «ajouté un problème, une crise de morale publique».

«L'affaire Barcenas» avait explosé comme une bombe, le 18 janvier: le quotidien de centre droit El Mundo affirmait alors que Luis Barcenas, ancien trésorier du PP, avait distribué pendant deux décennies des enveloppes contenant entre 5000 et 15 000 euros à des dirigeants du parti, provenant d'entreprises privées.

Selon El Mundo, Mariano Rajoy n'a jamais touché ces enveloppes et avait ordonné de mettre fin à cette pratique en 2009.

Mais jeudi dernier, El Pais, quotidien de centre gauche, allait plus loin en publiant des photos de comptes manuscrits prétendument établis entre 1990 et 2008 par Luis Barcenas et par un autre trésorier du PP, Alvaro Lapuerta.

Selon ces documents, écrivait le journal, l'actuel chef du gouvernement aurait perçu, entre 1997 et 2008, des «paiements pour un total de 25 200 euros par an», sous forme de dons émanant de chefs d'entreprises.

Pour beaucoup d'Espagnols, cette affaire a été «la goutte de trop», dans un pays étranglé par une politique de rigueur et un chômage à plus de 26%.