Les députés russes ont adopté vendredi en première lecture une proposition de loi controversée punissant tout acte public constituant une «propagande de l'homosexualité auprès de mineurs», un texte critiqué par des militants des droits de l'homme.

Après de brefs débats à la Douma (chambre basse du Parlement), la loi a été votée par 388 voix pour, une contre et une abstention.

Des applaudissements nourris ont salué l'annonce du résultat à la Douma, largement dominée par Russie Unie, le parti du président Vladimir Poutine.

La proposition de loi avait été déposée en 2012 par le Parlement de la région de Novossibirsk, en Sibérie, qui l'a déjà adoptée au niveau local et veut de la sorte la généraliser à l'ensemble du pays.

Outre Novossibirsk, d'autres villes, notamment Saint-Pétersbourg, deuxième ville du pays, ont adopté des textes similaires, suscitant des critiques en Occident et en Russie de la part d'ONG qui dénoncent une loi homophobe.

Les militants des droits de l'homme craignent que la formulation imprécise de la loi ne permette de condamner des personnes manifestant pour les droits des homosexuels ou même se tenant la main en public.

Selon le texte, une personne physique risque de 4000 à 5000 roubles d'amende (136-170 $), une personne dépositaire de l'autorité publique de 40 000 à 50 000 roubles (1360-1700 $) et une entité juridique de 400 000 à 500 000 roubles (13 600-17 000 $).

En introduction des débats vendredi, Sergueï Dorofeïev, député du parti au pouvoir Russie Unie, a déclaré qu'il fallait «protéger les mineurs des conséquences de l'homosexualité», tout en assurant que le texte ne condamnait pas l'homosexualité en tant que telle.

Elena Mizoulina, députée de Russie Juste (centre-gauche), a pour sa part estimé que la propagande de l'homosexualité limitait «le droit des mineurs à se développer librement» et à choisir librement leur orientation sexuelle.

Les militants homosexuels sont très mal vus en Russie, où l'homosexualité a été considérée comme un crime jusqu'en 1993, et comme une maladie mentale jusqu'en 1999, bien après la chute du régime soviétique (1991).

Selon un sondage de l'institut indépendant Levada datant de 2010, 74 % des personnes interrogées pensent toujours que l'homosexualité est soit «immorale» soit le fait d'une «déficience mentale».

Les défilés que les gais essayent d'organiser depuis 2006 sont interdits par les autorités et dispersés sans ménagement par la police.

Les observateurs libéraux et les défenseurs des droits de l'homme voient en ce texte une nouvelle manifestation de la politique répressive menée ces derniers temps par les autorités russes.

«Le but réel du projet est de rendre la vie de la communauté homosexuelle de Russie la moins supportable possible», estimait vendredi le quotidien Vedomosti, dénonçant par ailleurs la «cascade d'interdictions passées l'an dernier au Parlement».

«Le fait qu'en Russie en 2013 on discute de la possibilité d'interdire la "propagande de l'homosexualité" est en soit le pire verdict qui puisse être prononcé pour les perspectives du pays», ajoute-t-il.

Quelques heures avant le début de l'examen de la loi, des altercations se sont produites devant le bâtiment de la Douma, en plein centre de Moscou.

Des militants orthodoxes ont lancé des oeufs et de la peinture sur des défenseurs de la cause homosexuelle qui s'étaient rassemblés devant le bâtiment de la chambre basse du Parlement russe pour protester contre ce texte.

Une vingtaine de militants homosexuels ont par ailleurs été interpellés par la police au motif que leur rassemblement n'était pas autorisé.