La justice française a ouvert mardi une enquête afin de vérifier si le ministre du Budget Jérôme Cahuzac a détenu un compte en Suisse, comme il en est accusé par un site d'information, première affaire du genre du quinquennat de François Hollande qui se veut un modèle d'intégrité.

Le site d'informations Mediapart avait accusé le ministre socialiste d'avoir détenu un compte non déclaré à l'Union des banques suisses (UBS), s'appuyant notamment sur une conversation enregistrée dans laquelle on entend un homme, que le site considère être M. Cahuzac, parler de son compte dans une banque suisse.

Jérôme Cahuzac, personnalité haute en couleurs, mais peu connue en France, a assuré mardi accueillir «avec satisfaction» l'ouverture de l'enquête.

«Cette démarche permettra, comme il l'a toujours affirmé, de démontrer sa complète innocence des accusations absurdes dont il fait l'objet», affirme son communiqué.

Le ministre avait déjà «nié en bloc et en détail» les accusations du site Mediapart selon lesquelles il aurait détenu un compte en Suisse. Il avait déposé en retour une plainte en diffamation.

Mardi, le Parquet de Paris a annoncé qu'une enquête préliminaire pour blanchiment de fraude fiscale a été ouverte afin de vérifier si Jérôme Cahuzac a détenu un compte en Suisse.

«Il appartient au procureur de la République de Paris, conformément à la loi, de faire procéder, sans attendre, aux vérifications relatives à la réalité et au contenu de l'enregistrement ainsi qu'à toutes auditions nécessaires pour parvenir à la manifestation de la vérité», a précisé le Parquet.

«Confiance» du premier ministre

Le site d'informations affirme que Jérôme Cahuzac a clos en 2010 le compte bancaire qu'il avait chez UBS et en a transféré les fonds sur un compte à Singapour. Il s'appuie notamment pour cela sur un enregistrement fourni par l'adversaire malheureux de l'actuel ministre du Budget lors des élections pour la mairie de Villeneuve-sur-Lot (sud-ouest) en 2001.

«Ça me fait chier d'avoir un compte ouvert là-bas, l'UBS c'est quand même pas forcément la plus planquée des banques», dit dans cet enregistrement datant de fin 2000 un homme que Mediapart affirme être Jérôme Cahuzac à un interlocuteur non identifié. «Il n'y a plus rien là-bas, non? La seule façon de le fermer, c'est d'y aller?», interroge-t-il.

Depuis un mois, le gouvernement socialiste a fait bloc autour de Jérôme Cahuzac. En décembre, le premier ministre Jean-Marc Ayrault avait notamment rappelé que le ministre délégué au Budget gardait «toute sa confiance», excluant tout départ de son ministre du gouvernement.

Plus rare, Jérôme Cahuzac avait aussi obtenu le soutien de plusieurs membres de l'opposition.

Mais l'ouverture de l'enquête pourrait changer la donne, alors que le nouveau président socialiste François Hollande a fait campagne en promettant d'être un modèle d'intégrité.

En mai 2011, tous les ministres avaient ainsi signé une «charte de déontologie», portant notamment sur leur «solidarité et collégialité» et leur «intégrité et exemplarité» dans l'exercice de leurs fonctions.

Ironie de l'histoire, comme ministre délégué au Budget, Jérôme Cahuzac a notamment la charge de la lutte contre la fraude fiscale, un des chevaux de bataille de l'exécutif socialiste.

Il était aussi en première ligne lors des débats sur la taxation exceptionnelle à 75 % pour les très riches, récemment censurée par le Conseil constitutionnel.