Le Vatican et l'Église italienne mettent tout leur poids dans la balance pour soutenir le président du Conseil Mario Monti, catholique pratiquant, aux prochaines élections de février, après avoir lâché l'an dernier Silvio Berlusconi avec qui ils avaient longtemps noué une alliance d'intérêts.

La presse italienne ne s'y est pas trompée: tous les grands journaux ont mis en relief vendredi le soutien accordé par l'Osservatore Romano, à «la montée en politique du sénateur Monti». Un soutien qui peut renforcer l'option Monti, à la fois face à la droite berlusconienne et au centre-gauche.

Le journal du Saint-Siège a aimé l'expression «Élevons-nous en politique», employée la nuit de Noël par M. Monti pour confirmer son entrée en lice. «C'est l'expression d'un appel à récupérer le sens le plus élevé et noble de la politique», s'est félicité le quotidien du pape.

En filigrane: la vie politique était discréditée sous l'ancien gouvernement de Silvio Berlusconi et l'exécutif de techniciens de Mario Monti a rompu avec une époque funeste.

«Les gouvernements Berlusconi ont été caractérisés par un niveau élevé d'inaction au regard des tentatives des coalitions de centre-gauche pour agir même si c'était dans une direction erronée», a commenté vendredi le quotidien des évêques Avvenire.

Dès le 10 décembre, le cardinal Angelo Bagnasco, chef de l'Église italienne, portait l'estocade contre le retour tout juste annoncé de Berlusconi: «on ne peut réduire à néant les sacrifices d'un an, qui sont souvent retombés sur les couches les plus fragiles», avait-il souligné, en allusion au plan de rigueur imposé par Mario Monti aux Italiens.

Le Cavaliere, en dépit de ses frasques et de ses démêlés judiciaires, a été épaulé jusqu'en 2011 par le Vatican et l'épiscopat. Non par sympathie, mais parce qu'il avait promis de ne pas faire adopter des lois contraires aux «valeurs non négociables» de l'Église (fin de vie, unions homosexuelles...).

Cet appui à Berlusconi, qui scandalisait nombre de catholiques, s'est fissuré au printemps 2011, le Vatican s'étant lassé des incohérences et des scandales sexuels et de corruption.

Qu'apportera le soutien du Vatican au camp Monti formé de centristes, et que pèse vraiment ce camp, qui coagule des petites formations politiques et est coincé entre deux poids lourds, le Parti démocrate du Pier Luigi Bersani, nettement favori dans les sondages, et le Peuple de la liberté (PDL) de Silvio Berlusconi ?

Les analystes politiques sont prudents. Selon un sondage, si M. Monti était proposé comme chef de coalition par les forces du «nouveau centre», les intentions de vote autour de son nom atteindraient entre 19 et 21%, dont la moitié d'ex-électeurs de Berlusconi.

Le projet de M. Monti, catholique pratiquant qui a rencontré sept fois le pape depuis son arrivée au pouvoir, n'est pas de lancer une nouvelle version de la Démocratie-Chrétienne, qui a gouverné 45 ans l'Italie. Mario Monti, même s'il a plusieurs catholiques convaincus dans son gouvernement comme le fondateur de la communauté Sant'Egidio Andrea Riccardi, est un technicien et a une conception stricte de la séparation entre Église et État. Il a ainsi accepté de s'attaquer --bien que modérément-- aux privilèges fiscaux de l'Église.

«Monti n'est pas un catholique en politique. Le Vatican le soutient en raison de son sérieux; il fait confiance à l'homme, à son travail, dans la très difficile situation actuelle», a expliqué à l'AFP le vaticaniste de La Stampa, Marco Tosatti.

Selon Paolo Rodari, vaticaniste d'Il Giornale (droite), la «syntonie» avec le Vatican vient du fait que «Monti n'a jamais trahi les valeurs non négociables chères à Benoît XVI».

Le vaticaniste et biographe du pape, Marco Politi, a l'impression que «le Vatican soutient Monti surtout par peur de la victoire du PD social-démocrate», qui risquerait de ne pas les respecter.

«Depuis l'an dernier, a-t-il dit à l'AFP, l'Église cherchait une alternative à Berlusconi alors que Benoît XVI a exhorté à un plus grand engagement des catholiques en politique».

Mais, selon Marco Politi, le regroupement pro-Monti est encore «très confus» et «n'a pas une forte imprégnation de catholicisme social, comme celui qui inspire les encycliques de Benoît XVI».