Le président russe Vladimir Poutine a promulgué vendredi la loi très controversée interdisant l'adoption d'enfants russes aux États-Unis, considérée comme l'une des mesures les plus hostiles prises par Moscou envers Washington depuis la guerre froide.

Le texte, qui entrera en vigueur le 1er janvier, avait été voté par le Parlement russe en réponse à la «liste Magnitski», une loi précédemment adoptée par le Congrès américain, et promulguée par le président Barack Obama.

Celle-ci interdit de séjour aux États-Unis et prévoit de geler les biens des responsables russes impliqués dans la mort en prison en 2009 du juriste Sergueï Magnitski, ou dans d'autres violations des droits de l'homme.

La nouvelle loi russe prévoit également de dresser une «liste noire» des Américains indésirables en Russie, soupçonnés d'avoir violé en particulier les droits des citoyens russes.

Cette liste a été établie, mais ne sera pas rendue publique, a précisé le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, cité par l'agence Ria Novosti.

Les États-Unis ont exprimé vendredi leurs «profonds regrets» après la promulgation de cette loi russe, accusant Moscou d'avoir pris une décision «politique» contre Washington.

La promulgation de la loi aura un effet concret immédiat en mettant un terme à 52 procédures en cours qui n'avaient pas encore abouti, selon le délégué du Kremlin aux droits de l'enfant.

Pour ces enfants, «un travail est en cours pour leur trouver une famille en Russie», a écrit Pavel Astakhov sur son compte Twitter.

«Aucun de ces enfants ne doit souffrir. Des familles seront préparées et les accueilleront. Les gouverneurs des régions en seront personnellement responsables», a-t-il ajouté

Selon des chiffres communiqués précédemment par M. Astakhov, près de 15 000 enfants russes ont été adoptés par des étrangers entre 2008 et 2011, dont plus de 5000 par des Américains, contre un peu plus de 33 000 par des Russes. De mêmes sources, 728 des enfants adoptés par des étrangers étaient handicapés, et 137 par des Russes.

La loi anti-adoptions porte le nom de Dima Iakovlev, un enfant russe adopté aux États-Unis en 2008 et mort oublié par son père adoptif américain dans une voiture en pleine chaleur.

Elle a suscité de vives réactions en Russie et plusieurs ministres ont affiché leur opposition au texte, notamment le chef de la diplomatie Sergueï Lavrov.

Mikhaïl Fedotov, le président du Conseil des droits de l'Homme auprès du Kremlin cité par l'agence Interfax, a regretté la promulgation de la loi, jugeant qu'il n'était «jamais trop tard pour la corriger».

De son côté, l'ex-dissidente soviétique et militante russe pour la défense des droits de l'Homme, Lioudmila Alexeeva, a annoncé qu'elle allait saisir la Cour suprême russe et la Cour européenne des droits de l'Homme pour contester une loi «qui ne fait pas honneur à la Russie».

Pour sa part; le ministère russe des Affaires étrangères a dénoncé vendredi une «campagne de propagande» américaine contre cette loi, en indiquant que la mort -- depuis 1996 -- de 19 enfants russes adoptés par des Américains n'était que la «partie émergée de l'iceberg».

Dès jeudi, M. Poutine avait déclaré qu'il ne voyait «pas de raisons» de ne pas signer le texte.

«Il y a dans le monde sans doute beaucoup d'endroits où le niveau de vie est meilleur que chez nous, mais quoi, nous allons y envoyer tous nos enfants ? On peut, peut-être, y déménager nous-mêmes?», avait-il ajouté.

Il avait promis à l'occasion de publier un décret «pour changer la manière dont on aide les orphelins, et ceux qui sont privés de leurs parents, en particulier ceux qui sont dans une situation difficile à cause de leur état de santé».

«Il faut dès maintenant mettre toutes nos forces pour soutenir les familles russes (...) qui se trouvent dans des situations délicates socialement, et encourager les familles d'accueil», a estimé vendredi le délégué du Kremlin aux droits de l'enfant.

Sergueï Magnitski avait été arrêté pour fraude fiscale après avoir dénoncé une vaste machination financière ourdie selon lui par des responsables de la police et du fisc au détriment de son employeur ainsi que de l'État russe. Les poursuites contre lui ont été maintenues post-mortem.

Une audience prévue jeudi a été reportée à janvier en raison du refus de l'avocat de la famille de participer au procès.

Jugé pour négligence, l'ancien directeur adjoint de la prison de Moscou où le juriste avait été incarcéré a lui été relaxé vendredi.