Le président russe Vladimir Poutine a déclaré jeudi qu'il allait promulguer l'interdiction des adoptions d'orphelins russes par des Américains, appelant par ailleurs le «grand peuple» russe à mieux préserver ses ressources humaines.

«Je ne vois pas de raisons de ne pas la signer, bien que je doive regarder la version définitive» de cette loi, a déclaré M. Poutine lors d'une réunion au Kremlin.

Le texte a été adopté à l'unanimité mercredi par le Conseil de la Fédération, chambre haute du Parlement russe, après l'avoir été la semaine dernière par la Douma, chambre basse.

Il répond, dans un accès d'inimitié inédit à l'égard de l'ancien adversaire de la guerre froide, à la «liste Magnitski», une loi précédemment adoptée par le Congrès américain, et promulguée par le président Barack Obama.

Celle-ci interdit de séjour aux États-Unis, et prévoit de geler les biens des responsables russes impliqués dans la mort en prison en 2009 de l'avocat Sergueï Magnitski, ou dans d'autres violations des droits de l'Homme.

«Il y a dans le monde sans doute beaucoup d'endroits où le niveau de vie est meilleur que chez nous, mais quoi, nous allons y envoyer tous nos enfants ? On peut, peut-être, y déménager nous-mêmes ?», a ajouté le président russe.

Il a cité l'exemple d'Israël, pays qui rencontre «des problèmes connus de sécurité».

«Et quoi, les Israéliens envoient tous leurs enfants quelque part ? (...) Ils se battent toujours pour leur identité nationale. Ils font face», a souligné M. Poutine.

«Un grand peuple, se sentant important, se comporte un peu différemment à l'égard de ces questions», a-t-il poursuivi, évoquant la Russie.

«On a l'impression que nos ressources sont sans limites, mais ce n'est pas le cas», a-t-il dit.

«Il faut soutenir les initiatives qui visent à tout faire dans les limites de notre pays pour offrir un avenir digne à tous nos enfants, y compris aux orphelins», a encore déclaré le chef de l'État, admettant implicitement les manquements dénoncés par les ONG spécialisées dans le système social russe.

«J'ai l'intention non seulement de promulguer la loi, mais aussi un décret pour changer la manière dont on aide les orphelins, et ceux qui sont privés de leurs parents, en particulier ceux qui sont dans une situation difficile à cause de leur état de santé», a conclu le président russe.

Les spécialistes dénoncent les conditions dans lesquelles vivent dans des internats de nombreux orphelins et enfants abandonnés ou retirés à leurs parents en Russie, en particulier ceux souffrant de handicap.

Selon des chiffres communiqués à l'AFP par le délégué du Kremlin aux droits de l'enfant, entre 2008 et 2011 près de 15 000 enfants russes ont été adoptés par des étrangers, dont plus de 5000 par des Américains, contre un peu plus de 33 000 par des Russes.

Selon la même source, 728 des enfants adoptés par des étrangers étaient handicapés, et 137 par des Russes.

L'Unicef, le fonds des Nations unies pour l'enfance, a appelé mercredi Moscou à ne pas interdire les adoptions internationales, et à faire de «la détresse actuelle de nombreux enfants russes vivant dans des orphelinats un sujet prioritaire».

Des appels ont été lancés en Russie pour interdire l'adoption non seulement par des Américains, mais par tout étranger.

Sergueï Magnitski, arrêté pour fraude fiscale après avoir dénoncé une vaste machination financière ourdie selon lui par des responsables de la police et du fisc au détriment de son employeur ainsi que de l'État russe, reste poursuivi par la justice.

Une audience prévue jeudi a été reporté à janvier en raison du refus de l'avocat de la famille de participer au procès.