L'ex-magnat du pétrole et critique du Kremlin Mikhaïl Khodorkovski, emprisonné depuis 2003, a vu jeudi sa peine réduite de deux ans et devrait être libéré en octobre 2014 en vertu d'un changement de la législation, ses avocats continuant d'exiger l'annulation de sa condamnation.        

Le tribunal municipal de Moscou a décidé de réduire de treize à onze ans la condamnation pour vol de pétrole et blanchiment d'argent de M. Khodorkovski, ainsi que celle de son associé Platon Lebedev, qui devrait de son côté sortir de prison en juillet 2014.

La loi prévoit en effet désormais des peines moins lourdes pour ces chefs d'accusation. Les avocats des deux hommes avaient demandé l'annulation pure et simple de leur condamnation, et leur libération immédiate.

L'affaire Ioukos a été dénoncée par les libéraux russes et à l'étranger comme inspirée par le Kremlin pour reprendre le contrôle de précieux actifs pétroliers et mettre au pas un homme d'affaires qui avait manifesté des ambitions politiques et soutenu l'opposition.

Le président russe Vladimir Poutine a assuré jeudi n'avoir joué aucun rôle dans cette décision de justice.

«Je n'ai influencé d'aucune manière l'activité des forces de l'ordre et des instances judiciaires, je ne m'en suis pas mêlé», a déclaré M. Poutine, interrogé pendant sa première grande conférence de presse depuis son retour en mai au Kremlin pour un troisième mandat présidentiel.

Un journaliste avait mis en doute la possibilité d'une telle décision de la justice sans un accord politique au plus haut niveau.

«Il ne faut pas politiser ces questions. Je suis sûr que Mikhaïl Borissovitch sortira, que tout ira bien, que Dieu lui donne la santé», a ajouté M. Poutine, évoquant M. Khodorkovski par son prénom et son patronyme, une marque habituelle de respect dans la tradition russe.

Par le passé, lorsqu'il était interrogé sur M. Khodorkovski, Vladimir Poutine, auquel a été prêté un conflit personnel avec celui qui fut l'homme le plus riche du pays, ne prononçait même pas son nom de famille.

Il l'avait comparé au mafieux américain Al Capone, au financier emprisonné Bernard Madoff, et l'avait même accusé d'avoir du sang sur les mains - une accusation jamais évoquée en justice.

Les dirigeants russes ont soufflé le chaud et le froid depuis un an, alors qu'ils étaient confrontés à une contestation sans précédent depuis les années 1990.

Dans un article publié mercredi sur le site internet dédié à sa défense, M. Khodorkovski a estimé que le système judiciaire en Russie ne l'était que «par son nom» et que les tribunaux restaient «soumis au président».

L'ex-dirigeant du géant pétrolier russe Ioukos, et son associé M. Lebedev, détenus depuis 2003, avaient été condamnés en 2005 pour escroquerie à grande échelle à huit ans de camp.

Cette peine a été portée à 14 ans en décembre 2010 à l'issue d'un second procès pour vol de pétrole, un total ensuite réduit d'un an en appel, ce qui devait les maintenir en détention jusqu'en 2016.

La défense, qui demandait une annulation de la condamnation et une clôture du dossier, a dénoncé dans un communiqué une nouvelle «farce judiciaire» et d'ores et déjà annoncé qu'elle ferait appel du jugement devant la Cour suprême russe.

«Même une réduction de deux ans ne correspond pas aux modifications dans la législation russe. La condamnation doit être totalement annulée, et nos clients doivent être libérés», a déclaré à l'AFP un des avocats de M. Khodorkovski, Vadim Kliouvgant.

«Nous poursuivrons la lutte et allons bien sûr faire appel», a-t-il ajouté.

«Malgré la décision apparemment prometteuse d'aujourd'hui, les enquêteurs et les procureurs poursuivent les investigations contre Khodorkovski et Lebedev, et continuent les procès par contumace des personnes liées à Ioukos qui ont fui à l'étranger», souligne la défense dans son communiqué.

L'ex-dissidente soviétique et militante des droits de l'homme Lioudmila Alexeeva a aussi jugé ce jugement insatisfaisant.

«Ce n'est pas en 2014 qu'il faut les libérer : il ne fallait pas les mettre en prison du tout. Et puisqu'ils les ont mis en prison, il fallait les libérer aujourd'hui», a-t-elle déclaré, citée par l'agence de presse Interfax.