Le gouvernement de Mario Monti est suspendu à un fil, après avoir perdu jeudi le soutien au Parlement du parti de Silvio Berlusconi qui a ainsi lancé la campagne de la droite pour les législatives de 2013 dont il devrait être de nouveau le candidat.        

Mais les commentateurs ne craignent pas de crise majeure, l'exécutif Monti étant déjà en fin de mandat.

Le Cavaliere, 76 ans, n'a pas encore officiellement lancé sa sixième candidature au poste de premier ministre, après avoir annoncé fin octobre qu'il y renonçait, mais il a lâché un ballon d'essai mercredi soir.

«Je suis assailli de demandes des miens pour revenir au premier plan», a-t-il déclaré dans un communiqué en affirmant vouloir sauver une «Italie au bord du précipice», minée par le chômage et l'alourdissement de la fiscalité.

Au lendemain de ces déclarations, son parti s'est spectaculairement abstenu à deux reprises jeudi lors de votes de confiance sur des projets de loi au parlement.

Par ce geste, le Cavaliere a brisé le front hybride regroupant son parti, le PDL, le Parti démocrate (gauche) et les centristes qui soutenait l'exécutif de Mario Monti depuis la chute du gouvernement Berlusconi en novembre 2011. Désormais, seuls le PD et les centristes soutiennent encore l'exécutif de l'ex-commissaire européen Monti.

Angelino Alfano, bras droit de Berlusconi à la tête du PDL a précisé que son parti a voulu ainsi signifier que «l'expérience Monti est conclue». Mais il veut «terminer la législature de façon ordonnée», et donc sans faire chuter le gouvernement.

Pour Stefano Folli, éditorialiste politique du Sole 24 Ore, «il n'y a pas explicitement de crise gouvernementale».

«M. Monti reste aux commandes, l'exécutif est de toute façon en fin de mandat et il ne reste plus qu'à adopter (définitivement) le budget d'ici Noël comme les partis s'y sont engagés», a-t-il expliqué à l'AFP.

Le chef de l'État, Giorgio Napolitano, s'est aussi montré rassurant à l'issue d'une rencontre avec les responsables des forces politiques, donc ceux du PDL qui, selon un communiqué de la présidence, se sont engagés à «contribuer à une conclusion en bon ordre de la législature».

Massimo Franco du Corriere della Sera dans un éditorial intitulé Le monde nous regarde a souligné qu'une «chute du gouvernement signifierait exposer de nouveau le pays aux attaques de la spéculation financière», avec «le risque de remettre en discussion la crédibilité retrouvée de l'Italie».

Les marchés lui ont donné raison avec une remontée du différentiel des taux obligataires italiens avec ceux de l'Allemagne à 330 points (moins de 300 lundi) et une bourse de Milan lanterne rouge en Europe (autour de -1 %).

Selon les commentateurs, le coup d'éclat de M. Berlusconi visait à obtenir trois choses : accélérer la fin du mandat Monti pour des législatives anticipées à fin février/début mars au lieu de début avril, classer sans suite les projets de réforme de la loi électorale, couler un décret adopté jeudi en conseil des ministres prévoyant l'inéligibilité des politiciens condamnés en dernière instance.

Le Cavaliere tente aussi visiblement de ressouder les rangs du PDL (Peuple de la liberté), une formation au bord de la scission entre modérés et aile droite, et en pleine déconfiture. Un sondage de l'Institut SWG publié vendredi le crédite de moins de 14 % (13,8 %) au prochain scrutin national alors qu'il avait triomphalement remporté celui de 2008 avec 38 %.

En outre, les dissensions internes sont désormais patentes : jeudi des hauts responsables du PDL comme l'ex-ministre des Affaires étrangères Franco Frattini, ont voté à l'opposé des consignes du parti tandis que Giorgia Meloni qui représente les jeunes du PDL a qualifié d'«erreur» une nouvelle candidature de M. Berlusconi.

«La droite désespérée célèbre le seul rite païen qu'elle connaisse : l'éternel retour du Cavaliere», a commenté vendredi Massimo Giannini, vice-directeur de Repubblica.

Selon lui, le Cavaliere va mener «une campagne anti-impôts, anti-Imu (taxe d'habitation, NDLR), anti-Europe» pour tenter de «récupérer au moins une partie de son peuple, en fuite après trop de promesses trahies».

Mais à en croire les sondages, cette stratégie ne sera pas très payante puisque même en s'alliant avec les autonomistes de la Ligue du nord, laminés l'été dernier par un scandale qui a touché leur fondateur Umberto Bossi, la droite ne s'adjugerait pas plus que 20 à 25 % au maximum.

«Berlusconi n'a aucune possibilité de revenir à la tête du gouvernement. Il fait tout ça pour garder un rôle politique afin de se défendre dans ses procès (Ruby, Mediaset, NDLR) et sauvegarder ses intérêts économiques (son empire des médias Fininvest, NDLR)», a estimé M. Folli.