Une nouvelle procédure d'interdiction du parti néonazi NPD, mis en cause pour des liens présumés avec une organisation criminelle, va être lancée début 2013 en Allemagne, neuf ans après une première tentative ratée, ont annoncé jeudi les chefs des Länder.

Les États régionaux (Länder) donnent «un signal fort contre l'extrême droite», a affirmé la présidente du Land de Thuringe (est), Christine Lieberknecht, au cours d'une conférence de presse à Berlin, assurant que «les perspectives de succès étaient bonnes».

Les Länder vont mandater le Bundesrat pour saisir la Cour constitutionnelle de Karlsruhe afin de faire interdire le NPD. La chambre haute du Parlement, où siègent les représentants des Länder, est l'une des trois institutions habilitées à lancer une telle procédure, avec le gouvernement fédéral et la chambre basse, le Bundestag. Selon Mme Lieberknecht, ce devrait être chose faite dès le 14 décembre.

Il faudra ensuite «plusieurs mois» pour rédiger l'acte de saisine de la Cour constitutionnelle, mais elle espère que la procédure sera définitivement lancée «vers la fin du premier trimestre de l'année prochaine».

La chancelière allemande Angela Merkel n'a pas voulu s'associer immédiatement à la procédure. Le gouvernement arrêtera sa position «au cours du premier trimestre» 2013, a-t-elle annoncé jeudi.

«Nous n'avons pas encore d'avis tranché. Il y a un dossier très impressionnant d'éléments à charge qui ont été rassemblés, mais il y a d'un autre côté aussi des risques législatifs», a-t-elle rappelé.

Elle faisait allusion à la première tentative d'interdiction du NPD, en 2003, qui avait buté sur un vice de procédure. La Cour constitutionnelle avait estimé que la présence d'agents des services de renseignement intérieur (Verfassungsschutz) au sein des structures dirigeantes du NPD brouillait sa capacité à statuer.

Mme Lieberknecht a cependant affirmé que le dossier à charge, un millier de pages rassemblées par les services de renseignements régionaux et fédéraux, provenait cette fois de sources non contestables.

«Nous avons coupé les ponts avec toutes les sources qui dépendaient directement des services de renseignements», a-t-elle souligné. Les «agents» du Verfassungsschutz au sein du NPD ne sont pas des policiers infiltrés, mais de simples adhérents ou cadres du parti payés pour jouer les informateurs.

Mme Merkel a également rappelé que le NPD pourrait saisir la Cour européenne des droits de l'homme où, selon elle, sept des huit demandes d'interdiction de partis politiques ont échoué.

D'autres voix au sein de la coalition gouvernementale ont aussi mis en avant le fait qu'avec environ 1,5% de voix au niveau fédéral, et seulement deux assemblées régionales où il compte des élus, le NPD était en perte de vitesse.

Lancer une telle procédure lui offre une tribune nationale pour exposer ses idées.

«Nous sommes tous d'accord pour dire que l'extrémisme de droite doit être combattu sous toutes ses formes (...) mais l'interdiction d'un parti à elle seule ne permet pas de répondre à cette exigence», a ainsi argumenté Mme Merkel jeudi.

L'idée de s'attaquer au NPD a ressurgi après la découverte en 2011 d'une organisation criminelle d'extrême droite, Clandestinité national-socialiste (NSU). Des membres du groupuscule, proches du NPD, sont accusés d'avoir assassiné dix personnes, la plupart d'origine turque, entre 2000 et 2006.

Jeudi, les cinq élus NPD à l'assemblée régionale du Land de Mecklembourg-Poméranie antérieure (nord) ont boycotté une minute de silence demandée par les autres groupes politiques à la mémoire de ces victimes.

Quelques minutes auparavant, leur responsable, Uwe Pastörs, s'était fait expulser de la séance pour avoir insulté un élu d'origine irakienne.