L'Union pour un mouvement populaire (UMP), principal parti de droite français, est menacé «d'éclatement» en raison des tensions découlant de l'élection bâclée de son nouveau chef.

La mise en garde est venue hier matin de l'un des ténors de la formation, l'ancien premier ministre Alain Juppé, qui a accusé les deux candidats en lice pour le poste d'avoir fait passer leur intérêt personnel devant celui du parti.

«Tout au long de la campagne, il s'est moins agi de l'avenir de l'UMP que de celui de deux protagonistes obsédés par l'échéance [présidentielle] de 2017», a accusé M. Juppé dans son blogue. Il a déploré le spectacle «lamentable» donné par le parti.

Dimanche soir, même si la commission interne chargée de surveiller le scrutin n'avait pas tranché, Jean-François Copé, secrétaire général sortant de l'UMP, a déclaré publiquement qu'il avait remporté le vote.

Sa sortie a été désavouée quelques minutes plus tard par son adversaire, François Fillon, qui s'est lui aussi dit convaincu d'avoir remporté la victoire. L'ancien premier ministre a assuré qu'il ne «lâcherait rien».

Les deux hommes, qui voient la présidence de l'UMP comme un tremplin vers l'investiture pour la prochaine élection présidentielle, se sont accusés dans la foulée d'irrégularités. Ils ont compliqué d'autant la tâche de la commission, qui a finalement tranché vers 22h30 hier en désignant M. Copé gagnant, avec 50,03% des voix.

Le vainqueur a invité l'autre camp à le rejoindre et a noté qu'il était temps pour l'opposition officielle de «se mettre au travail». «Mes mains et mes bras sont grands ouverts», a-t-il affirmé.

Fracture au sein du parti

François Fillon, devancé de 98 votes seulement, a dit prendre acte des résultats. Il a relevé qu'il existe dans le parti une fracture à la fois «politique et morale». Il a précisé qu'il ferait connaître au cours des prochains jours «les formes» que prendrait son engagement politique.

Au-delà de leurs ambitions personnelles, les candidats représentent deux courants distincts dans le parti. Jean-François Copé s'est fait le héraut d'une «France décomplexée» au cours de la campagne et n'a pas n'hésité à évoquer des enjeux identitaires proches des préoccupations de l'extrême droite pour courtiser les militants du parti.

Son adversaire a mené une campagne plus consensuelle et a affirmé préférer les «actes forts» aux «paroles fortes».

Ils n'ont cessé de se disputer l'héritage de l'ex-président Nicolas Sarkozy, qui s'est abstenu d'intervenir dans la course.

Les sondages indiquent que l'ancien chef d'État, officiellement retiré de la vie politique, demeure très populaire auprès des militants du parti. Les médias spéculent sur sa volonté de se présenter aux primaires de l'UMP en 2016 pour pouvoir se représenter à l'élection présidentielle.

Les adversaires se réjouissent

Durant la campagne, Jean-François Copé a assuré qu'il serait «bien évidemment» au côté de l'ancien politicien s'il choisissait de retourner dans le jeu. Son adversaire, plus circonspect, a fait savoir qu'il soutiendrait le candidat le mieux placé pour assurer la victoire de la formation.

Les tribulations du parti de la droite traditionnelle ont tout pour réjouir le Front national de Marine Le Pen, qui appelle de ses voeux depuis des mois un éclatement de l'UMP afin de récupérer une partie de ses militants et de renforcer sa position sur l'échiquier politique.

Les partis centristes pourraient aussi tirer profit de la dynamique en cours pour renforcer leurs appuis. L'ex-ministre Yves Jégo, rattaché à l'Union des démocrates et indépendants, a déclaré que «l'image d'amateurisme» donnée par l'UMP alimentait les interrogations sur la viabilité du parti dans sa forme actuelle.

Le gouvernement apparaît comme un autre bénéficiaire potentiel de la division de la droite, qui se manifeste dans un contexte de vives tensions entre les élus socialistes et leurs alliés écologistes ainsi que de critiques sur la situation économique du pays - l'agence Moody's a annoncé en fin de soirée sa décision de retirer à la France la cote AAA.

La porte-parole du gouvernement, Najat Vellaud-Belkacem, a dit «avoir hâte» que la course à la direction de la droite prenne fin pour assainir le climat politique. «Cela fait six mois que l'on n'a pas entendu une UMP constructive. On a eu droit à six mois de bataille intensive caractérisée par la caricature permanente», a-t-elle déclaré.

Le Parti socialiste a connu des difficultés similaires lors du congrès de Reims, en 2008. L'ancienne candidate présidentielle Ségolène Royal avait accusé son adversaire à la direction du parti, Martine Aubry, d'avoir truqué le vote. Elle avait menacé de recourir aux tribunaux, avant de se raviser.