Plus de 100 000 personnes ont manifesté samedi dans plusieurs villes de France contre le projet de loi du gouvernement socialiste ouvrant le mariage et l'adoption aux homosexuels, selon des chiffres officiels obtenus par l'AFP.

T-Shirts roses, ballons, slogans défendant la famille traditionnelle: les opposants au mariage gais manifestaient pour la première fois massivement en France, alors que d'autres rassemblements sont prévus dimanche à l'appel de l'institut Civitas, proche des catholiques intégristes.

Samedi, le pape Benoît XVI a appelé l'Église de France à faire entendre sa voix «sans relâche et avec détermination».

À Paris, 70 000 personnes, selon la préfecture, 200 000, selon les organisateurs, ont défilé dans le cadre de la «Manif pour tous». Dans la foule compacte, de toutes générations et parsemée de poussettes, T-shirts et ballons bleu blanc ou rose arboraient le même dessin de deux personnes de sexes opposés tenant deux enfants par la main.

En désaccord, Fanny Neige et Anaïs, homosexuelles, étaient venues faire valoir leur point de vue, s'embrassant au vu et au su de tous.

«On est là en tant que lesbiennes, parce qu'on fondera une famille qu'ils le veuillent ou non», a expliqué Fanny Neige.

La provocation pacifique a reçu une réponse non moins pacifique: des applaudissements, comme l'avaient souhaité les organisateurs.

Cardinal-archevêque et recteur de mosquée

Mais ailleurs la «Manif pour tous» a été confrontée à des contre-manifestations qui ont donné lieu parfois à des épisodes tendus.

À Toulouse, plusieurs milliers de manifestants se sont retrouvés une partie de l'après-midi face à plusieurs centaines de contre-manifestants, que les forces de l'ordre ont repoussés en tirant des gaz lacrymogènes.

À Marseille, entre 6000 personnes, selon la préfecture, et 8000, selon les organisateurs, ont également croisé le chemin de contre-manifestants, qui les ont sifflés en clamant «j'existe avec deux papas».

À Lyon, où 22 000 personnes, selon la préfecture du Rhône, 27 000 selon les organisateurs, ont défilé, la police avait préalablement interpellé une quarantaine de jeunes parmi environ 200 contre-manifestants venus dénoncer le caractère «homophobe» du rassemblement.

Le cardinal-archevêque de Lyon Philippe Barbarin, qui avait suscité la polémique en septembre en estimant que le mariage homosexuel ouvrirait la voie à la polygamie et à l'inceste, a fait une brève apparition, en «simple citoyen». Le recteur de la Grande Mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, était lui aussi dans le cortège.

Des défilés ont également été signalés à Nantes ou à Rennes, dans l'Ouest.

Plusieurs élus et personnalités de l'opposition de droite ont participé aux manifestations à Paris et en province.

Le secrétaire général de l'UMP, principal parti d'opposition, Jean-François Copé, avait adressé une lettre de soutien à «La Manif pour tous», s'excusant de ne pouvoir «malheureusement» y participer en raison de son agenda chargé à la veille du scrutin qui doit désigner le nouveau président du parti, pour lequel il est candidat.

Selon un sondage Ifop publié jeudi, 61% des Français sont favorables à l'ouverture du mariage aux couples de même sexe, mais seulement 48% soutiennent l'adoption par les couples homosexuels.

Le projet de loi du gouvernement doit être débattu par l'Assemblée nationale le 29 janvier. Avant d'entrer en application, il devra aussi être voté par le Sénat, la France emboîtant alors le pas à onze autres pays, dont la Belgique, le Canada et l'Espagne.

Samedi soir, la ministre des Droits des femmes et porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem a défendu ce texte qui vise, selon elle, à «faire progresser le droit pour tous, sans le faire reculer pour aucun», et mis en garde contre tout «dérapage», «instrumentalisation» et «amalgame».

Le «projet de loi est désormais dans les mains du Parlement, qui conduira de larges auditions», a-t-elle assuré.