Acquittés en appel par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) dans la matinée, les généraux croates Ante Gotovina et Mladen Markac, considérés dans leur pays comme des «héros» de l'indépendance, sont arrivés en milieu d'après-midi à Zagreb, où le verdict a été accueilli par des larmes de joie.

Les généraux, tous deux âgés de 57 ans, sont arrivés peu après 16H00 GMT à l'aéroport de Zagreb où ils ont notamment été accueillis par le premier ministre Zoran Milanovic. Ils devaient ensuite se rendre sur la place centrale de Zagreb où des dizaines de milliers de compatriotes les attendaient pour leur réserver un accueil grandiose.

Les deux hommes avaient quitté le centre de détention du TPIY dans des minibus aux vitres teintées escortés par la police néerlandaise. Ils s'étaient ensuite rendus à l'aéroport de Rotterdam, à 20 kilomètres de La Haye, d'où ils avaient pris le chemin de la Croatie dans un avion affrété par le gouvernement croate.

Des dizaines de milliers de personnes rassemblées sur la place centrale de Zagreb pour assister au jugement retransmis en direct sur un écran géant ont laissé exploser leur joie ou ont éclaté en sanglots en entendant le juge Theodor Meron ordonner la «libération immédiate» des deux généraux.

Dans la foule, certains brandissaient le drapeau croate alors que d'anciens combattants en uniforme portaient des drapeaux de leurs unités du temps de la guerre.

MM. Gotovina et Markac avaient été condamnés en première instance à 24 et 18 ans de prison, respectivement, pour crimes de guerre commis contre des Serbes de leur pays pendant la guerre de Croatie (1991-1995). Un troisième général, Ivan Cermak, avait été acquitté dans cette affaire.

La chambre d'appel a estimé vendredi que la condamnation des deux hommes avait été fondée sur le raisonnement «erroné» selon lequel tout tir d'artillerie tombant à plus de 200 mètres d'une cible militaire était une attaque contre des civils. Elle a également cassé la conclusion de la chambre de première instance sur l'existence «d'une entreprise criminelle commune dont le but était le déplacement forcé et définitif des civils serbes de la région de la Krajina».

À La Haye également, la joie était également au rendez-vous: les partisans des deux généraux présents sur place ont débouché des bouteilles de champagne devant le TPIY alors que l'épouse de Mladen Markac, Mirjana, était étreinte par ces mêmes partisans.

Les deux anciens généraux, sourire aux lèvres, ont échangé une poignée de main à la fin de l'audience.

Ante Gotovina avait mené en 1995 l'opération «Tempête» des forces croates, qui avait pour objectif la reconquête de la République serbe autoproclamée de Krajina (sud), une des dernières poches de résistance tenues par les Serbes de Croatie, et avait précipité la fin de la guerre de Croatie.

M. Gotovina était, selon l'accusation, responsable de la mort de 324 civils ou soldats ayant déposé les armes et du déplacement par la force de 90 000 Serbes de la Krajina. Les associations de victimes serbes évoquent pour leur part les chiffres de 220 000 réfugiés et de près de 1200 civils tués.

L'accusation estimait en outre que d'anciens dirigeants croates, comme l'ex-président Franjo Tudjman, décédé en 1999, avaient, au même titre que M. Gotovina, participé à une «entreprise criminelle commune» visant à chasser les Serbes du pays.

Zagreb se réjouit, Belgrade scandalisé

«Le jugement a confirmé tout ce que nous avons toujours cru en Croatie : que les généraux Ante Gotovina et Mladen Markac sont innocents et qu'il ne s'agissait pas d'une entreprise criminelle commune organisée par le pouvoir et les forces croates dans le but d'expulser des civils, nos concitoyens de nationalité serbe», comme l'affirmait l'acte d'accusation, s'est réjoui le président croate Ivo Josipovic.

À Belgrade, le président serbe, le nationaliste populiste Tomislav Nikolic, a dénoncé une décision «politique» et «scandaleuse».

Élu chef de l'État serbe en mai dernier, M. Nikolic avait rejoint comme volontaire la «défense territoriale» mise en place par les sécessionnistes serbes en Croatie, pendant le conflit serbo-croate.

«Cette décision ne contribuera pas à la stabilisation de la situation dans la région et rouvrira de vieilles plaies», a poursuivi M. Nikolic qui s'est inquiété de possibles actes de vengeance contre «le petit nombre de Serbes restés vivre en Croatie».

«M. Gotovina veut simplement rentrer chez lui et passer du temps avec son épouse, sa fille et son jeune fils. Noël arrive et il pourrait vouloir prendre des vacances», a assuré à l'AFP Gregory Kehoe, son avocat.

Ante Gotovina avait été arrêté dans le restaurant d'un hôtel de luxe sur les Îles Canaries en décembre 2005 après s'être caché pendant quatre ans, alors que ses coaccusés s'étaient livrés volontairement le 11 mars 2004.

Après la Slovénie (2004) la Croatie la deuxième de six ex-Républiques yougoslaves appelée à intégrer l'Union européenne en 2013.