Une manifestation monstre a envahi mercredi soir les rues de Madrid, temps fort d'une journée européenne de protestation contre l'austérité, le chômage et la précarité, ponctuée de heurts notamment en Espagne, au Portugal et en Italie.

Des centaines de milliers de personnes, selon des estimations de l'AFP, ont défilé dans la capitale espagnole et ailleurs dans le pays, à l'appel des syndicats ou rassemblés par la mouvance des «indignés» face aux barrages de police qui protègent la Chambre basse du Parlement.

Une mobilisation contrastant avec une participation plus timide dans les autres pays: 5000 manifestants à Athènes, selon la police, quelques milliers en Italie, à Turin, Rome et Milan, ainsi qu'en France, à Paris notamment.

Au Portugal, qui a vécu comme l'Espagne une grève générale, la police a chargé à coups de matraques devant le Parlement à Lisbonne, où plusieurs milliers de personnes protestaient. A Madrid ainsi qu'à Barcelone, les policiers ont aussi chargé en fin de soirée contre des groupes de manifestants.

«Je suis venu protester contre les coupes partout, dans la santé, l'éducation, la hausse de la TVA, les expulsions» de propriétaires surendettés, lançait dans le cortège madrilène Javier Gomez, un employé du bâtiment de 39 ans, au chômage depuis un an.

«Nous avons la solution, les banquiers en prison», hurlaient les manifestants dans une forêt de drapeaux rouges des syndicats.

Ils étaient venus de tous horizons, portant le tee-shirt vert de l'éducation, barré du slogan «école publique de tous, pour tous», ou bleu de la santé, agitant la pancarte rituelle portant ce seul mot «no» illustré d'une paire de ciseaux.

«Une nuit magnifique à Madrid», a lancé le secrétaire général du syndicat Comisiones Obreras (CCOO), Ignacio Fernandez Toxo, prenant la parole devant la foule, en assurant que «plus d'un million de personnes» avaient manifesté dans la capitale.

Pendant que le défilé syndical avançait lentement sur les grandes avenues, des centaines d'autres manifestants, rassemblés à l'appel de la mouvance des «indignés», étaient massés face au barrage de la police anti-émeutes qui bloquait l'accès à la Chambre basse du Parlement, dans un statu quo tendu, émaillé de jets de projectiles.

De la foule émergeaient des pancartes: «España desahuciada», (Espagne expulsée), allusion au drame des expulsions qui ébranle le pays, ou encore «Mariano go home», un appel à la démission du chef du gouvernement de droite Mariano Rajoy, «Crise?, Hold-up!»

Depuis le matin, l'Espagne, quatrième économie de la zone euro étranglée par un chômage de 25% et une pauvreté grandissante, vivait au ralenti pour la deuxième grève générale depuis l'arrivée au pouvoir, il y a moins d'un an, du gouvernement Rajoy.

Environ 120 manifestations étaient prévues dans le pays, notamment à Barcelone où des dizaines de milliers de personnes ont défilé. Les policiers ont fait usage de balles en caoutchouc en fin de soirée tandis qu'un fourgon de police a été incendié par un cocktail molotov.

Cette journée s'inscrivait dans le cadre d'une mobilisation européenne contre les politiques d'austérité, de plus en plus contestées pour leurs retombées sociales et accusées de freiner le retour à la croissance.

Alors que la croissance dans la zone euro devrait rester au point mort (+0,1%) en 2013, selon la Commission européenne, le Fonds monétaire international a lui-même averti récemment que les politiques d'austérité risquaient de devenir «politiquement et socialement intenables».

En Espagne, où le service minimum a limité les perturbations liées à la grève générale, quelques incidents avaient éclaté plus tôt dans la journée, la police repoussant des manifestants à coups de matraques.

Au total 118 personnes ont été interpellées et 74 blessées à travers le pays, selon le ministère de l'Intérieur.

En Italie, un policier a été grièvement blessé à Turin, roué de coups par des autonomes, et cinq autres plus légèrement à Milan dans des heurts en marge des manifestations.

Un arrêt de travail de quatre heures était observé dans ce pays, et des débrayages de quelques heures également en Grèce.

Le Portugal lui aussi tournait au ralenti, avec les trains et métros à l'arrêt et de nombreux avions cloués au sol, au cours de cette journée de protestation contre les mesures d'austérité du gouvernement de centre droit.

«La troïka dehors», clamaient des affiches réclamant le départ des créanciers du Portugal qui évaluent actuellement les mesures d'austérité mises en oeuvre par le gouvernement en échange de l'aide internationale de 78 milliards d'euros, accordée au pays en mai 2011.