François Hollande a nié tout «virage» dans sa politique et s'est posé en «président responsable», mardi lors d'une conférence de presse de deux heures et demie durant laquelle il a justifié le cap suivi par son gouvernement, six mois après son investiture.

Sous les ors de la grande salle des fêtes de l'Élysée, le chef de l'État, costume noir et cravate bleue, s'est d'abord exprimé avec solennité dans une intervention liminaire de 40 minutes, avant de répondre aux journalistes sur un ton beaucoup plus détendu.

Devant quelque 400 membres de la presse et le gouvernement au grand complet, il a défendu pied à pied sa politique et le tempo de son action.

«J'en avais pris l'engagement pendant la campagne présidentielle: rendre compte régulièrement, tous les six mois» de l'action du gouvernement, a-t-il expliqué sur une estrade rouge, derrière un pupitre blanc entouré des drapeaux français et européen.

Il a d'emblée affirmé qu'il entendait être jugé «sur la croissance et le chômage», assurant que «depuis six mois» (il) avait fait des choix, sans avoir à prendre je ne sais quel tournant, je ne sais quel virage». «Depuis le 15 mai, nombre d'engagements ont été tenus».

La «seule question» qui vaille n'est «pas l'état de l'opinion aujourd'hui», mais «l'état de la France dans cinq ans», a ajouté le chef de l'État, affirmant ne pas tenir compte des sondages sévères sur son action.

Il a rappelé les «trois défis» du gouvernement: «réorientation de l'Europe», «désendettement de la France» et «compétitivité de l'économie».

Le président a défendu le «pacte de compétitivité» présenté la semaine dernière par le gouvernement. «Ce n'est pas un cadeau, c'est un levier qui offre au système productif un moyen de traverser la crise», a expliqué M. Hollande, qui a longuement justifié son revirement sur la TVA.

Sur le gaz de schiste, honni par ses alliés écologistes, M. Hollande a laissé une porte entrouverte: «la recherche est possible sur d'autres techniques que celle de la fracturation hydraulique».

Comme ses proches l'y poussaient, M. Hollande a également infléchi l'image de président «normal» qu'il entendait incarner à son arrivée à l'Élysée, se posant désormais en «président responsable», mais soucieux de «garder de la simplicité».

«Je ne suis dans aucune addiction. Vous avez remarqué: président normal, président responsable, pas d'addiction à aucune substance!», a-t-il plaisanté en réponse à une question sur l'énergie.

Valls rappelé à l'ordre

Le chef de l'État a défendu le tempo de son action. «Trouvez un gouvernement qui ait aussi rapidement pris des décisions sur deux questions qui minent» l'économie française, «la dette publique et la question industrielle et productive», a-t-il lancé à la presse.

Il a rendu hommage et assuré de «toute sa confiance» son premier ministre, Jean-Marc Ayrault, voyant en lui un homme «sérieux, loyal, dévoué et concret».

Mais il a aussi remis à sa place Manuel Valls, ministre de l'Intérieur, le plus populaire de son gouvernement qui, un peu plus tôt, avait provoqué une bronca à l'Assemblée nationale en accusant la droite d'être responsable du «retour du terrorisme». «Ne perdons pas notre temps, ne nous divisons pas, ne polémiquons pas, ne cherchons pas à utiliser je ne sais quelle phrase à des fins de politique intérieure», a mis en garde M. Hollande.

Il a aussi rappelé à l'ordre ses alliés écologistes et radicaux, en les appelant à être «solidaires» de l'action du gouvernement.

Sur la réforme des institutions, M. Hollande s'est voulu volontaire sur la réforme du non-cumul des mandats, qui fait grincer des dents jusqu'au sein du PS: «le non-cumul des mandats, nous le ferons», a-t-il assuré.

Le droit de vote des étrangers aux élections locales paraît plus mal engagé, tant que le gouvernement ne pourra pas compter sur une majorité des 3/5e au Parlement, nécessaire pour l'adoption de cette loi. Le président a affirmé qu'il n'envisageait pas de référendum «aujourd'hui».

Mais c'est sur les dossiers internationaux qu'il a réservé sa principale annonce, avec la reconnaissance par Paris de «la coalition nationale syrienne comme la seule représentante du peuple syrien». La question de la livraison d'armes à l'opposition syrienne, à laquelle Paris était jusque-là opposé, «va être nécessairement reposée», a aussi dit M. Hollande.

Au Mali, la France n'interviendra «en aucun cas» elle-même et se contentera de «soutenir logistiquement» les pays africains, a confirmé M. Hollande.

Avant même la fin de la conférence de presse, l'opposition a donné de la voix. «Cette conférence de presse, je la résumerais d'un mot: quelle déception!», a tonné au Cannet Jean-François Copé, candidat à la présidence de l'UMP. Son rival François Fillon a lui dénoncé «un président qui enfonce un peu plus sa tête dans le sable».

Pour le politologue Frédéric Dabi (Ifop), M. Hollande «est sorti de ses habits de campagne pour vraiment endosser ce costume de président, avec des appels à l'unité nationale».