Le président russe Vladimir Poutine a limogé mardi son ministre de la Défense après un vaste scandale de corruption, chargeant un homme de confiance, l'ex-ministre des Situations d'urgence Sergueï Choïgou, de mener à bien les plans «grandioses» de réarmement du pays.

«Compte tenu de la situation autour du ministère de la Défense, j'ai pris la décision de libérer de ses fonctions le ministre (Anatoli) Serdioukov, afin d'établir les conditions d'une enquête objective», a déclaré M. Poutine à la télévision publique.

Fin octobre, plusieurs enquêtes ont été ouvertes à l'encontre d'une société contrôlée par le ministère de la Défense, Oboronservis, pour fraude lors de la vente de biens publics. Le préjudice s'établirait à au moins trois milliards de roubles (94 millions $).

Selon le comité d'enquête russe, certains responsables du ministère choisissaient les biens immobiliers les plus prestigieux, y investissaient d'énormes sommes d'argent public, puis organisaient leur revente à des prix inférieurs à ceux du marché, apparemment à leur profit.

«S'il y a lieu, il (M. Serdioukov) peut être interrogé dans l'enquête criminelle» sur cette affaire, a précisé le porte-parole du Comité d'enquête Sergueï Markine à l'agence Itar-Tass.

Les rumeurs quant au prochain limogeage de M. Serdioukov s'étaient multipliées depuis l'éclatement du scandale, notamment après que le site d'informations Lifenews.ru avait révélé que pendant une perquisition tôt le matin chez une suspecte, Evguenia Vassilieva, les enquêteurs étaient tombés sur le ministre lui-même.

Mme Vassilieva était jusqu'à récemment à la tête du département des propriétés du ministère de la Défense.

M. Serdioukov, un civil qui occupait le poste de ministre de la Défense depuis 2007, est le gendre d'un proche de M. Poutine, Viktor Zoubkov, originaire comme lui de Saint-Pétersbourg et qui a exercé différentes fonctions au gouvernement russe.

Le Premier ministre Dmitri Medvedev a estimé que M. Serdioukov avait été «un ministre de la Défense efficace», mais a souligné que l'enquête «devait être menée à son terme».

Selon l'expert Pavel Felgenhauer, le ministre limogé avait «beaucoup d'ennemis» au sein même du pouvoir.

«Poutine a décidé de faire un exemple dans la lutte contre la corruption. Il faut montrer que personne n'est irremplaçable, il faut que toute l'élite ait peur», a ajouté l'expert.

M. Serdioukov est remplacé par Sergueï Choïgou, un fidèle du président, longtemps à la tête du très important ministère des Situations d'urgence et qui avait été nommé au début de l'année gouverneur de la région de Moscou.

Le président Poutine lui a annoncé sa nomination devant les caméras de télévision. Le nouveau ministre «doit être une personne qui sera capable de poursuivre le développement des forces armées, d'assurer la réalisation des commandes militaires et des projets grandioses de réarmement de l'armée que nous nous sommes fixés», a-t-il dit.

Vladimir Poutine avait indiqué avant l'élection présidentielle de mars, qui a marqué son retour au Kremlin après un intermède de quatre ans comme Premier ministre, qu'il comptait placer le complexe militaro-industriel au centre du développement de la Russie et avait promis un réarmement «sans précédent» du pays.

Il avait annoncé que plus de 550 milliards d'euros seraient consacrés à l'industrie de la défense sur les dix ans à venir.