Le président français François Hollande, qui a permis en mai au Parti socialiste de reprendre la tête de l'État après une longue traversée du désert, aura connu une lune de miel de très courte durée. Les médias du pays se livrent aujourd'hui à une surenchère de qualificatifs pour décrire la baisse de popularité du chef de l'État et de son gouvernement. L'Agence France-Presse va même jusqu'à évoquer un automne «horribilis» pour la gauche. Notre correspondant explique ce qui est à la source de la grogne à l'égard du président.

Q: Pourquoi le président chute-t-il ainsi dans les sondages?

R: À son arrivée au pouvoir en mai, près de 60% des Français disaient avoir une opinion positive de François Hollande dans un sondage de la firme LH2. Mais le taux d'approbation a rapidement chuté pour s'établir à 40%. Dans une autre étude récente, produite par Opinionway, seuls 10 % des répondants estiment que la situation du pays s'est améliorée depuis son arrivée au pouvoir.

La montée constante du nombre de chômeurs, désormais supérieur à 3 millions, a un impact sur l'image du gouvernement et du président malgré leurs efforts pour en reporter la responsabilité sur l'administration sortante. Bien que concentrées sur les classes les plus aisées, les hausses d'impôt prévues dans la loi sur les finances publiques pour 2013 ont aussi alimenté la grogne populaire.

Les erreurs de communication à ce sujet et la volte-face sur la taxation de la plus-value au moment de la vente d'entreprises ont donné une impression d'improvisation. Adélaïde Zulfikarpasic, analyste chez LH2, note que la popularité du président a d'abord chuté dans les classes sociales les plus fragilisées par la crise économique, qui étaient «impatientes» de voir un changement se produire.

Le phénomène s'est ensuite étendu aux classes plus aisées. Les dissensions politiques, notamment avec les alliés écologistes sur la ratification du traité budgétaire européen, sont venues alimenter les doutes, souligne-t-elle.

Q: Quel rôle joue le premier ministre dans les déboires du président?

R: Le prédécesseur de François Hollande, Nicolas Sarkozy, était parfois décrit comme «l'omniprésident» en raison de sa propension à intervenir sur pratiquement tous les dossiers.

François Hollande se montre plus discret depuis son arrivée au pouvoir, en plaçant au premier plan le premier ministre Jean-Marc Ayrault.

Ce dernier a dû intervenir à plusieurs reprises pour rappeler à l'ordre des ministres qui semblaient déroger à la position officielle du gouvernement, ce qui a alimenté les interrogations sur son autorité. On lui reproche aussi ses ratés en matière de communication. Encore hier, les médias faisaient grand cas du revirement de M. Ayrault sur la question de la longueur de la semaine de travail.

Dans un entretien au quotidien Le Parisien, il a semblé suggérer qu'il serait prêt à revoir la durée officielle de 35 heures, une réalisation socialiste, avant de faire marche arrière en assurant qu'une telle réforme était hors de question.

Q: Les horizons peuvent-ils s'éclaircir rapidement pour le président?

R: François Hollande espère pouvoir relancer sa popularité en 2013 grâce à une embellie économique qui semble improbable pour l'heure. Plusieurs États de la zone européenne sont en crise ou présentent des signes de ralentissement qui ne laissent envisager rien de positif sur ce plan et la situation ne semble guère plus rose au-delà du continent.

Le Fonds monétaire international s'inquiète notamment de l'entrée en vigueur, au début de 2013, aux États-Unis, de sévères coupes budgétaires destinées à réduire la dette du pays. La directrice générale de l'organisation, Christine Lagarde, craint que ces ponctions replongent le pays en récession, ce qui aggraverait d'autant la situation mondiale. L'absence relative de croissance pourrait contraindre le gouvernement français à revoir l'objectif déclaré du pays de faire passer le déficit sous la barre de 3 % du PIB l'année prochaine.

Le caractère ambitieux de cette cible a d'ailleurs déjà été critiqué par plusieurs élus socialistes, ce qui a relancé les accusations d'improvisation et d'incohérence.

Mme Zulfikarpasic, de LH2, pense qu'un renversement de la courbe du chômage pourrait avoir pour effet de relancer la cote de popularité du président. D'autant plus que l'appréciation négative des dirigeants français n'est pas nécessairement, selon elle, le résultat d'un «jugement en profondeur» des mesures défendues.

Q: Les difficultés de François Hollande profitent-elles à la droite?

R: Consolation pour le gouvernement, aucun scrutin d'importance au pays n'est prévu avant 2014. À défaut de payer dans les urnes leur baisse de popularité, les ténors socialistes doivent composer avec les attaques incessantes de la droite.

L'opposition pourrait gagner en intensité après la mi-novembre lorsque l'UMP, formation de la droite traditionnelle autrefois chapeautée par Nicolas Sarkozy, se dotera d'un nouveau chef.

L'actuel secrétaire général du parti, Jean-François Copé, qui souhaite le représenter à l'élection présidentielle de 2017, a déclaré qu'il pourrait appeler la population à descendre dans la rue pour manifester contre certains projets gouvernementaux touchant le mariage homosexuel ou le droit de vote des étrangers. Le favori de la course à la présidence de l'UMP demeure l'ancien premier ministre François Fillon, qui tient un discours critique, mais plus modéré.