Le nouveau gouverneur de Sicile, Rosario Crocetta, vainqueur des régionales de dimanche, va à contrecourant des clichés sur les Italiens du Sud : homosexuel déclaré, il s'est aussi illustré dans la lutte contre la mafia, ce qui lui vaut une protection policière permanente.    

« Quand on a un rôle public, il faut être chaste, et j'annonce qu'en cas de victoire aux élections, je n'aurai plus de relations sexuelles », avait promis en plaisantant cet homme de 61 ans durant la campagne électorale. Une boutade qui montre à quel point il était sceptique sur ses chances de l'emporter.

Chimiste de formation, Rosario Crocetta commence sa carrière au sein du groupe pétrolier et gazier ENI dans sa ville natale, Gela (côte sud de la Sicile), dont il est élu maire en 2002, devenant le premier maire ouvertement gai de l'histoire italienne.

C'est dans cette ville, l'une des plus gangrénées par la mafia, qu'il scelle dès son arrivée à la mairie un pacte avec le chef de la police locale pour s'attaquer au crime organisé. À peine élu, il lance un message clair à la Cosa Nostra en licenciant la femme d'un capo local, embauchée à la mairie grâce à un faux diplôme.

Un engagement qui lui vaudra l'inimitié de la Pieuvre et plusieurs tentatives d'attentat contre sa vie.

« Je remercie Dieu pour chaque jour de vie qu'il m'accorde. Depuis que j'ai été élu maire de Gela, ma vie est toujours en péril », confie-t-il un jour. Dès l'annonce de son élection lundi, il a aussitôt déclaré sur un ton provocateur : « Maintenant que j'ai été élu, la mafia peut faire ses valises ».

Membre depuis 2008 du Parti démocrate (PD, principal parti de gauche), il a milité auparavant au Parti communiste italien (PCI) et chez les Verts.

Un positionnement idéologique qui ne l'empêche pas d'être un catholique pratiquant, comme le gouverneur des Pouilles (sud) Nichi Vendola, lui aussi homosexuel déclaré. Depuis des années, Crocetta, qui a étudié chez les Salésiens, fait du bénévolat auprès des personnes âgées de sa paroisse.

Réélu maire de Gela en 2007 dès le premier tour avec 64,8 % des voix, il démissionne en 2009 après son élection au Parlement européen, où il devient notamment vice-président de la commission spéciale sur la criminalité organisée, la corruption et le blanchiment d'argent.

Une carrière politique brillante pour ce dernier né d'une fratrie de quatre, fils d'une couturière et d'un travailleur précaire.

Ne dédaignant pas les envolées lyriques, ce tribun élégant au visage sympathique chaussé de fines lunettes est aussi un poète affirmé qui a publié un recueil en 1987 : Diario di una giostra (Journal d'un manège). Polyglotte, il parle le français, l'anglais et l'arabe.

Célibataire et fier de l'être, la figure de Rosario Crocetta est à mille lieues des stéréotypes sur les machos méridionaux véhiculés par la littérature et le cinéma de la péninsule, du « Bel Antonio », immortalisé par Marcello Mastroianni, au « Guépard », le séducteur impénitent de Lampedusa.

Le nouveau gouverneur a lui-même conscience d'être un Ovni dans le paysage politique : « Je suis vraiment révolutionnaire », a-t-il lancé lundi après l'annonce de sa victoire.