L'opposant russe à Vladimir Poutine qui a affirmé avoir été enlevé en Ukraine a été inculpé mardi de «préparation à l'organisation de troubles massifs», tandis que le dirigeant du Front de Gauche Sergueï Oudaltsov le sera vendredi, a annoncé le comité d'enquête de Russie.

Léonid Razvozjaev, membre du Front de gauche, un des mouvements en pointe dans la contestation du régime du président Poutine, «a été inculpé» dans le cadre de l'enquête sur la «préparation à l'organisation de troubles massifs», précise l'institution dans un communiqué.

Le comité d'enquête ajoute avoir convoqué le 26 octobre Sergueï Oudaltsov pour lui annoncer son inculpation.

M. Razvozjaev a été placé dimanche en détention provisoire à Moscou, selon le comité qui a affirmé qu'il s'était présenté de lui-même aux enquêteurs pour reconnaître sa culpabilité.

Cette version contredit totalement celle de l'intéressé qui dit avoir été torturé et enlevé en Ukraine où il s'était rendu pour demander l'asile politique à la veille d'interpellations et de perquisitions en Russie dans le cadre de l'enquête.

La thèse de l'enlèvement a été étayée par le bureau du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) à Kiev, qui a raconté que Léonid Razvozjaev s'était rendu dans une ONG à Kiev pour se renseigner sur l'octroi du statut de réfugié politique et avait disparu pendant une pause au cours d'un entretien avec des juristes, en abandonnant ses affaires.

Un vétéran russe de la défense des droits de l'homme, Valery Borchtchov, qui a rendu visite à M. Razvozjaev dans sa prison mardi, a déclaré que l'opposant revenait à présent sur la reconnaissance de sa culpabilité et affirmait qu'il avait fait cela par écrit après qu'il eut été «torturé» par des hommes non identifiés qui l'auraient ultérieurement remis aux enquêteurs russes.

«Des tortures ont indubitablement eu lieu», a affirmé M. Borchtchov sur la chaîne de télévision Dojd. Il a répété le récit fait par M. Razvozjaev selon lequel il a été capturé à Kiev.

«Il a été emmené dans une cave, il était menotté et ses pieds étaient enchaînés, il est resté là pendant trois jours sans nourriture, et on ne lui a pas permis d'aller aux toilettes», a déclaré M. Borchtchov.

«Il a compris que la mort l'attendait peut-être» et a accepté de coopérer après que ceux qui l'avaient enlevé eurent aussi menacé de s'en prendre à ses enfants, a-t-il poursuivi.

Les inconnus l'ont ensuite emmené à Moscou dans une camionnette, toujours selon le récit de l'opposant repris par M. Borchtchov.

Mardi, un porte-parole des douanes ukrainiennes, cité par l'agence de presse russe Interfax, a indiqué que M. Razvozjaev avait traversé la frontière pour rentrer en Russie le 19 octobre, et qu'il ne s'était pas plaint en passant le point de contrôle, semblant vouloir dire qu'il était retourné en Russie de son propre chef.

Le ministère ukrainien de l'Intérieur avait indiqué lundi ne disposer d'aucune information sur cette disparition, tandis que les services secrets ukrainiens (SBU) ont déclaré n'avoir reçu aucune demande de Moscou d'interpeller l'opposant.

C'est le deuxième à être inculpé dans le cadre de cette enquête, après Konstantin Lebedev, un autre membre du Front de Gauche.

Sergueï Oudaltsov, dirigeant du mouvement, a pour sa part été laissé en liberté après un interrogatoire, avec pour obligation de ne pas quitter son lieu de résidence.

L'enquête des autorités russes a été ouverte après la diffusion le 16 octobre par une chaîne de télévision favorable au pouvoir, NTV, d'un film qui affirmait sur la foi d'images prises en caméra cachée et d'origine non précisée que des opposants se préparaient à renverser par la force le régime russe.

De nombreux opposants ont vivement contesté le contenu de ce film, affirmant qu'il s'agissait d'accusations fabriquées de toutes pièces pour pouvoir s'en prendre aux détracteurs du régime.