La pression s'accentuait lundi sur la BBC, soupçonnée d'avoir voulu étouffer les accusations d'agressions sexuelles visant son ancien animateur star Jimmy Savile en déprogrammant, l'an dernier, un documentaire sur ses agissements présumés qui provoquent un scandale national.

A la veille de l'audition devant une commission parlementaire du patron du groupe audiovisuel public, George Entwistle, l'affaire a entraîné lundi la démission d'un responsable éditorial de la BBC et des critiques du Premier ministre David Cameron.

Peter Rippon, le rédacteur en chef de Newsnight, une émission phare de la chaîne BBC Two, avait renoncé à diffuser un documentaire contenant des témoignages de femmes accusant Jimmy Savile de les avoir agressées sexuellement, en décembre 2011, peu après la mort de l'animateur.

Ces accusations ont finalement été révélées début octobre 2012 par un documentaire de la chaîne privée ITV, qui a entraîné une cascade de témoignages et débouché sur un scandale retentissant. Selon la police, qui a lancé une enquête, jusqu'à 200 victimes, pour certaines mineures, pourraient être concernées par les agissements de l'ex-animateur.

La BBC a reconnu lundi que l'explication donnée sur son blog par le rédacteur en chef pour justifier le retrait du documentaire était «incorrecte ou incomplète à certains égards» et annoncé que Peter Rippon quittait «son poste avec effet immédiat».

La BBC avait indiqué que l'émission avait été supprimée pour des raisons éditoriales, essentiellement le manque de preuves, et non pour étouffer les accusations visant l'une de ses plus grandes stars des années 1970-1980.

«Les développements d'aujourd'hui sont préoccupants car la BBC a effectivement changé sa version des faits sur les raisons pour lesquelles elle a abandonné le documentaire de Newsnight sur Jimmy Savile», a déclaré le Premier ministre David Cameron.

«Il y a de graves questions qui méritent réponses. Les enquêtes indépendantes mises en place par la BBC doivent y répondre et je suis sûr qu'elles le feront», a ajouté David Cameron.

«Toute la nation est consternée, nous sommes tous consternés par les accusations sur les agissements de Jimmy Savile, qui semblent empirer chaque jour», a-t-il dit.

Le groupe audiovisuel a lancé deux enquêtes internes sur l'affaire, menées par deux personnalités indépendantes, dont Nick Pollard, l'ancien chef de la chaîne privée concurrente Sky News.

Connu pour ses cheveux blonds platine, ses costumes tape à l'oeil et ses cigares, Jimmy Savile, mort en octobre 2011 à l'âge de 84 ans, était un célibataire excentrique. Il animait les émissions populaires prisées Jim'll Fix It et Top of the Pops. Il était aussi engagé dans des causes humanitaires, ce qui lui avait valu d'être anobli par la reine.

Les agressions sexuelles, dont il est accusé, se seraient produites pendant une quarantaine d'années, pour certaines dans les locaux de la BBC.

Le départ du responsable éditorial de Newsnight est intervenu peu avant la diffusion lundi soir d'une émission de la BBC One, Panorama, dont la thèse est que le retrait du documentaire de Newsnight a été décidé après des pressions de la part de hauts dirigeants de la BBC, bien que les journalistes n'aient pas découvert de preuves formelles ce ces pressions.

Panorama, lundi soir, a donné également la parole à l'avocate de certaines victimes présumées, Liz Dux, selon laquelle un réseau pédophile a existé au sein de la BBC à l'époque où Jimmy Savile était au faîte de sa popularité.

«C'est la pire crise dont je me souvienne en près de 50 ans de carrière à la BBC. Je ne crois pas que la BBC l'ait extrêmement bien gérée», affirme, quant à lui, un journaliste vedette du groupe, John Simpson.