Le passage cette semaine à Paris de la première ministre du Québec, Pauline Marois, survient au moment où plusieurs pays indépendantistes enregistrent des gains politiques considérables à l'échelle européenne. La crise économique qui frappe le continent amplifie le mouvement, relate notre journaliste.

Les mouvements indépendantistes gagnent en force au sein de l'Union européenne, qui doit composer avec la possible fragmentation de plusieurs pays membres sur fond de crise économique.

Les deux phénomènes vont en fait de pair en Espagne, en Grande-Bretagne ainsi qu'en Belgique, où des partis aux visées sécessionnistes connues ont le vent dans les voiles.

«La crise économique agit comme un catalyseur», souligne en entrevue Janis Emmanouilidis, analyste de l'European Policy Centre (EPC) de Bruxelles, qui étudie de près le processus d'intégration européen.

La question de la distribution de ressources revient comme un leitmotiv dans le discours des dirigeants indépendantistes, qui s'indignent des sommes d'argent versées par leur région au gouvernement central.

Les dirigeants de la Catalogne, qui promettent de lancer un référendum d'autodétermination s'ils remportent les élections législatives prévues en novembre, répètent que la région serait en bien meilleure posture si elle pouvait prélever elle-même ses impôts et réduire les sommes versées à Madrid.

La faute de l'UE?

Le dirigeant indépendantiste flamand Bart De Wever a repris des arguments similaires en Belgique, dimanche, en réaction à la percée notable sur le plan local de son parti, la N-VA, qui a notamment remporté la mairie d'Anvers.

Il a plaidé pour une nouvelle décentralisation des pouvoirs, en invitant les politiciens francophones du pays à s'engager sur la voie du confédéralisme pour en finir avec un «gouvernement taxatoire» central dont les Flamands ne veulent plus.

En Écosse, où le gouvernement indépendantiste vient de conclure un accord avec Londres pour permettre la tenue d'un référendum en 2014, l'argument économique est aussi important.

La vice-première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, a déclaré au cours des derniers jours que la région était déjà l'une des plus prospères et des plus riches du continent et qu'elle pourrait devenir plus riche encore «en prenant le contrôle de ses propres ressources».

Mme Sturgeon a assuré dans la foulée qu'une Écosse indépendante serait automatiquement considérée comme partie intégrante de l'Union européenne si elle le souhaitait.

Selon M. Emmanouilidis, l'organisation continentale encourage «indirectement» les mouvements indépendantistes en assurant de facto qu'un cadre supranational demeurera en place en cas de vote positif de leurs partisans. «Il y a la perception qu'ils vont pouvoir rester dans la famille même s'ils abandonnent leur frère», illustre l'analyste.

Écosse: une seule question

Selon lui, il existe une véritable incertitude sur le plan juridique relativement au statut de régions votant leur sécession.

«Il n'y a pas de procédure clairement établie. Certains analystes affirment que les citoyens et les régions concernées demeureraient au sein de l'Union européenne. D'autres affirment que ces régions seraient contraintes de renégocier leur entrée après être devenues indépendantes», dit M. Emmanouilidis.

Le scénario est encore plus compliqué pour la Grande-Bretagne, où plusieurs voix conservatrices réclament un référendum sur l'appartenance à l'Union européenne. Un vote sur le statut de l'Écosse pourrait survenir au moment même où Londres renégocie ses liens avec le continent, souligne l'analyste.

Les autorités européennes se font discrètes au sujet des mouvements indépendantistes «internes» à l'Union européenne. Un porte-parole a relevé au cours des derniers jours que l'organisation ne se prononcerait juridiquement qu'à la demande d'États membres et sur des «situations spécifiques».

Il reste à voir de toute manière si les partis indépendantistes «iront jusqu'au bout», prévient M. Emmanouilidis, qui n'exclut pas la possibilité de manoeuvres politiques destinées à obtenir une décentralisation accrue des pouvoirs plutôt qu'une indépendance réelle et entière.

Le Parti national écossais souhaitait que le référendum à venir comporte une question subsidiaire liée à la dévolution de pouvoirs additionnels, mais Londres a insisté pour qu'il n'y ait qu'une seule question sur l'indépendance. Le premier ministre anglais David Cameron s'est empressé de préciser par la suite aux médias qu'une telle dévolution de pouvoirs pourrait avoir lieu en cas de victoire du Non.