L'Union des étudiants juifs de France (UEJF) sonne l'alarme à la suite de la diffusion récente sur le site Twitter d'un «nombre record» de messages «à caractère antisémite».

«Ce que l'on voit est le reflet du climat ambiant dans le pays. C'est extrêmement inquiétant», a déclaré hier en entrevue le président de l'association, Jonathan Hayoun, qui évoque la possibilité de porter plainte contre les auteurs des messages en question.

«Nous ne combattons pas le monde de l'internet, un lieu formidable de liberté et d'expression. Mais nous combattons l'antisémitisme là où il s'exprime», a souligné le porte-parole.

Des messages ciblant la communauté juive se sont multipliés au cours des derniers jours après qu'un internaute de la région parisienne utilisant le nom d'utilisateur Besbar eut invité les gens à compléter des phrases avec le mot-clé «unbonjuif».

Photos de camps

Certains ont envoyé des photos provenant des camps de concentration nazis avec des légendes moqueuses. D'autres ont évoqué le recours aux fours crématoires durant la Seconde Guerre mondiale en écrivant par exemple qu'un «bon juif» a «un goût de cramé» ou est «dur à cuire».

Les messages à ce sujet se sont multipliés au point de faire paraître le mot-clé «unbonjuif» parmi les plus utilisés à Paris sur Twitter le 10 octobre dernier, ce qui a attiré l'attention de divers médias français.

Hier, la polémique à ce sujet allait bon train sur le réseau social. Plusieurs internautes ont condamné l'initiative en attaquant son instigateur, qui précise sur sa page d'accueil à d'éventuels lecteurs juifs qu'il fait «du second degré».

L'homme, qui se présente comme Ahmed dans un court texte d'introduction, n'a pas donné suite à la demande d'entrevue de La Presse. Il s'est dit convaincu en ligne que les autorités ne pouvaient «rien faire» à son encontre après avoir évoqué un article du site Slate traitant des pratiques de Twitter en matière de protection de données.

Les propriétaires du site américain ont refusé à plusieurs reprises de collaborer avec les autorités policières lorsque celles-ci cherchaient à identifier l'identité d'un utlisateur. Ce fut notamment le cas en août après que la police de New York eut demandé des informations sur un homme qui menaçait de commettre un massacre.

L'organisation a précisé qu'elle avait pour politique de transmettre ces renseignements lorsqu'une menace apparaît «spécifique et immédiate». Elle a été contrainte de remettre des données par les tribunaux à quelques reprises.

Les réticences des dirigeants de Twitter compliqueraient la tâche des autorités françaises en cas de dépôt d'une plainte pour incitation à la haine.

L'UEJF souhaite, quoi qu'il advienne, que les responsables du site mettent en place un système de modération de manière à éviter que les initiatives à caractère antisémite trouvent un large écho.

«Droit au blasphème»

L'instigateur de la controverse a accusé en ligne l'UEJF d'avoir adopté une attitude contraire il y a quelques semaines en défendant le droit de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo de diffuser des caricatures représentant Mahomet.

M. Hayoun note que la démarche de Charlie Hebdo n'a «rien à voir» avec les messages relevés sur Twitter au cours des derniers jours. «En France, le droit au blasphème existe, pas le droit à la haine», conclut-il.

SOS-Racisme a également dénoncé «le déferlement fiévreux de haine» observé sur Twitter, vu comme «l'expression morbide d'un violent antisémitisme».

Les dirigeants de l'association antiraciste, qui envisage aussi de porter plainte contre les auteurs des messages, ont demandé que Twitter «prenne la mesure de la responsabilité qui est la sienne dans le cas de tels dérapages racistes et antisémites».