Le célèbre prix norvégien a été remis hier à l'Union européenne, en récompense de 60 ans de pacification du continent. Mais ce choix inattendu a créé la surprise, alors que l'Europe affronte sa pire crise économique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cinq questions/réponses pour mieux comprendre.

Q: Le Prix Nobel à l'Union européenne. Pourquoi?

R: Officiellement, le comité Nobel a souhaité récompenser le travail accompli par l'Union au cours des 60 dernières années en faveur de la paix, de la réconciliation et de la démocratie. Paradoxalement, la Norvège a refusé à deux reprises d'adhérer à l'Union européenne (UE). Mais ce n'est pas la première fois que le comité envisage de lui décerner le Nobel de la paix: cela a été le cas dans les années 90, après la guerre des Balkans. Selon le quotidien Le Monde, ce prix décerné hier est un «coup de force» des europhiles norvégiens, et notamment de Thorbjørn Jagland, président du Comité et actuel secrétaire général du Conseil de l'Europe.

Q: Pourquoi ce prix décerné à l'Union européenne crée-t-il la surprise?

R: «Pourquoi en 2012? Ça reste mystérieux», estime Martial Foucault, professeur de sciences politiques à l'Université McGill et à l'Université de Montréal, et directeur du Centre d'excellence sur l'Union européenne. L'UE semble engluée dans la crise économique. «Quand on voit le temps que prend la résolution d'une petite crise dans un petit pays, cela laisse penser que le modèle de paix s'est fait aux dépens d'un modèle politique», poursuit M. Foucault.

Q: Qui devra aller chercher le prix à Oslo?

R: Cette question illustre la complexité du fonctionnement de l'UE. L'annonce du Nobel a été saluée par un concert de voix: une cacophonie propre à l'Union européenne, selon l'hebdomadaire britannique The Economist. C'est Martin Schulz, le président du Parlement européen qui a réagi le premier, par l'intermédiaire de son compte Twitter. «Je suis profondément touché et honoré que l'UE ait gagné le prix Nobel de la paix», a-t-il dit. José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, a ensuite fait part de son enthousiasme face à cet honneur pour l'Union et ses 500 millions de citoyens. Au même moment, depuis la Finlande, le président du Conseil européen Herman Van Rompuy saluait lui aussi par Twitter ce prix. Qui donc ira à Oslo? La question n'était pas réglée hier. Mais Martial Foucault espère que le président du Parlement européen, la seule institution élue par les peuples européens, sera du voyage. «Ce serait une erreur diplomatique que seuls M. Van Rompuy et M. Barroso soient présents lors de la remise d'un prix», croit ce spécialiste.

Q: Que changera le Nobel de la paix?

R: Malheureusement, pas grand-chose dans le contexte des difficultés économiques actuelles. «C'est une diversion dans l'agenda actuel», dit M. Foucault. Toutefois, les pays candidats à l'adhésion peuvent voir dans cette récompense, qui salue une construction sur six décennies, un signe encourageant.

Q: Comment ont réagi les «eurosceptiques»?

R: Note discordante au milieu du concert de félicitations, notamment de Washington, Paris et Berlin, le président tchèque Vaclav Klaus, un eurosceptique bien connu, a qualifié pour sa part l'attribution du Nobel d'erreur tragique. «Dans un premier temps, j'ai vraiment cru qu'il s'agissait d'un canular ou d'une plaisanterie, a-t-il dit, selon une dépêche de l'AFP. Attribuer [le prix Nobel] à une institution et dans ce cas-là une institution bureaucratique, c'est une distinction vide de sens», juge-t-il.

- Avec l'Agence France-Presse