L'actuel président de la France, François Hollande, n'avait pas manqué de critiquer son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, lorsque ce dernier a expulsé des Roms manu militari de France. Mais les agissements de ce gouvernement à l'égard de la communauté appauvrie soulèvent eux aussi la controverse, comme a pu le constater notre correspondant.

Lundi matin, à 6 h, des dizaines de policiers ont entouré le camp de fortune dans lequel Maria Colaci et ses deux enfants, de 5 et 7 ans, vivaient depuis quatre mois avec une soixantaine d'autres Roms.

La femme de 24 ans a été sommée de ramasser rapidement ses modestes avoirs et de quitter le terrain, situé à quelques dizaines de mètres des rails d'un train régional desservant la ville d'Evry, au sud de Paris.

Un bulldozer a ensuite rasé les misérables constructions érigées par les occupants du camp, qui se sont rendus devant l'hôtel de ville pour protester. Avant de repartir en quête d'un autre endroit pour s'établir.

«Maintenant, on est à la rue. C'est pas bien», a déclaré Mme Colaci lorsque La Presse l'a retrouvée quelques jours plus tard dans un petit terrain vague situé près d'une autre gare du train régional, dans une commune voisine. «Comment ils vont aller à l'école maintenant?» a-t-elle déclaré dans un français approximatif en montrant sa fille et son garçon, qui dorment avec elle dans une tente fournie par une organisation locale.

Le terrain, entouré de petits arbres qui le cachent de la route voisine, n'a ni point d'eau, ni toilettes. Et n'offre aucune protection contre le soleil qui plombe.

Adrian, un autre Rom évacué lundi par les forces de l'ordre, espère qu'ils pourront trouver un endroit plus confortable dans les jours qui viennent. «La Ville n'a pas offert de terrain», déplore le jeune homme de 19 ans, qui ne comprend pas la cause de l'intervention des autorités.

Le maire d'Evry a évoqué des questions de sécurité et de santé pour justifier l'action des policiers. Sa décision a été accueillie avec satisfaction par le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, qui dirigeait Evry jusqu'à sa nomination au gouvernement cet été. Il a évoqué les conditions «insupportables» dans le camp pour défendre l'évacuation.

Le geste des autorités est beaucoup moins apprécié des organisations non gouvernementales qui viennent en aide aux Roms. «Ça ne fait qu'ajouter de la misère à la misère. Ça ne règle rien», déplore le délégué régional du Secours catholique, Laurent Lurton.

Le maire, dit-il, tente de justifier son geste en utilisant des motifs de sécurité qui sont évoqués abusivement pour court-circuiter les tribunaux. C'est Manuel Valls lui-même qui a institué le système lorsqu'il était maire d'Evry, souligne le représentant du Secours catholique.

La mairie se défend de jeter les Roms à la rue en évoquant le fait qu'ils se voient proposés quelques nuitées dans des «hôtels sociaux», mais cette approche ne fait que décaler le problème de quelques jours, juge M. Lurton.

Afin de faciliter l'intégration de cette communauté, qui compte environ 15 000 personnes en France, le gouvernement devrait, selon lui, lever les mesures transitoires compliquant l'embauche de personnes venues de Bulgarie et de Roumanie.

Le gouvernement a fait un pas en ce sens la semaine dernière à l'issue d'une rencontre interministérielle en abolissant la «taxe» de plus de 1000 $ que devaient payer les employeurs pour de telles embauches, mais les opérations de démantèlement de camps se poursuivent malgré tout.

«On est en pleine schizophrénie politique», souligne le représentant du Secours catholique, qui s'attriste de constater que l'usage de la manière forte contre les campements roms est plébiscité par la population.

Le président socialiste François Hollande avait promis pendant la campagne électorale qu'aucun démantèlement ne serait opéré en l'absence de solutions alternatives de logement. Il voulait ainsi rompre avec l'approche du précédent chef d'État, Nicolas Sarkozy, qui avait soulevé une vive polémique à l'été 2010 en cautionnant une série d'opérations musclées contre la communauté rom.

Les démantèlements des dernières semaines font cependant craindre à plusieurs organisations de défense des Roms que «rien n'a changé» en France.

Médecins du Monde affirme dans une lettre ouverte parue hier que le camp socialiste a les mêmes motivations politiques que le gouvernement précédent même si le discours est plus subtil. Il s'agit, au dire de l'organisation, «d'utiliser la symbolique de la fermeté à l'égard de quelques centaines de personnes, considérées comme des Européens de seconde zone, pour montrer ses biceps».

Les Nations unies sont intervenues dans le dossier cette semaine en relevant que les opérations de démantèlement risquaient de plonger des familles entières dans une situation de grande vulnérabilité.

«Les Roms sont des citoyens de l'Union européenne et la minorité la plus marginalisée d'Europe. De façon regrettable, ces actes démontrent que les Roms ne jouissent toujours pas des mêmes libertés de circulation et d'établissement et continuent de subir des traitements discriminatoires», a déploré Rita Izsak, experte indépendante sur les minorités.

Le sort de Maria Colaci et de ses proches, qui craignent d'être chassés de nouveau dans les semaines qui viennent, semble corroborer l'analyse. «Peut-être qu'ils vont venir tout casser ici aussi (...) Ils n'aiment pas les Roms. C'est comme ça», conclut-elle.