Trois mois après l'arrestation du majordome du pape, le vol massif de documents de l'affaire Vatileaks reste entouré du plus épais mystère: la thèse d'un homme agissant seul a été écartée, mais celle d'un vaste complot n'est aucunement étayée.                

Le 23 mai, un coup de théâtre sans précédent ébranlait l'Église catholique, trois jours seulement après la présentation à Rome par le journaliste italien Giancarlo Nuzzi, du livre «Sua Santita» («Sa Sainteté») reproduisant de nombreux fax et lettres secrets venus de l'appartement du pape.

Une perquisition au domicile du majordome de Benoît XVI, Paolo Gabriele, saisissait une grande quantité de documents dont certains étaient les mêmes que ceux publiés dans le livre.

Le très dévoué «Paoletto», qui était le premier et le dernier chaque jour à voir le pape, était arrêté et allait passer 53 jours dans une cellule derrière la basilique Saint-Pierre, avant d'être assigné à résidence.

Se croyant mandaté par «l'Esprit saint», «Paoletto» a expliqué aux juges du Vatican avoir agi pour révéler le «mal et la corruption» et parce qu'il trouvait que le pape n'était pas informé de tous les scandales.

Le 13 août, la justice vaticane a renvoyé devant le tribunal du petit État Paolo Gabriele et un informaticien du Vatican, Claudio Sciarpelletti, pour vol aggravé et complicité de vol aggravé. Ils seront jugés en procès public au Vatican, à l'automne, une première.

Toutefois, l'enquête judiciaire est loin d'être close. La presse italienne bruisse de spéculations sur les complices, qui seraient deux, peut-être trois.

X et W, dont les noms sont occultés, car ils ne sont encore que des témoins, sont cités dans la décision de renvoi pour avoir eu en main des enveloppes contenant des documents confidentiels.

Et, puis, il y a le mystérieux père spirituel de Gabriele, présenté sous l'initiale de B.

Mgr Georg Gänswein, secrétaire personnel du pape et supérieur hiérarchique du majordome, a témoigné que Gabriele lui avait fait remarquer qu'il se sentait le «bouc émissaire de la situation». «Très froidement, il a déclaré ensuite qu'il était serein, car il avait eu un entretien avec son père spirituel».

Selon Gabriele, celui-ci lui aurait conseillé d'attendre avant d'admettre ses responsabilités «sauf si le Saint-Père le lui demandait personnellement».

En février et mars, B. a reçu du majordome une boîte contenant des photocopies des documents qu'il affirme avoir détruits parce qu'il était convaincu qu'il s'agissait d'une «activité illégitime et malhonnête».

Le père spirituel, toujours pas identifié, était-il simple témoin ou complice?

La publication éventuelle du rapport de trois anciens cardinaux, remis fin juillet au pape, est très attendue. Ces prélats à la retraite ont pu interroger qui bon leur semblait, dont d'autres cardinaux. Une trentaine de personnes.

La presse italienne avait au printemps diffusé des nouvelles sensationnelles sur l'implication de princes de l'Église, sans recevoir de confirmation.

Une bonne partie des documents publiés révélaient un mécontentement à l'égard du cardinal italien Tarcisio Bertone, secrétaire d'État, en quelque sorte chef du gouvernement de l'Église. Les maladresses, erreurs de gestion et absences d'expérience diplomatique de Bertone semblent avoir suscité une exaspération croissante.

On a parlé d'un complot de cardinaux italiens préparant le terrain pour un prochain conclave.

Plus crédible serait la thèse d'une fronde pour plus de transparence, au moment où un de ses champions, Ettore Gotti-Tedeschi, était évincé de l'Institut pour les oeuvres de religion (IOR), la banque du pape, deux jours seulement après l'arrestation de Gabriele.

Une fronde, pas forcément très organisée, ni à un niveau élevé. Des religieux et des laïcs désireux de provoquer une secousse médiatique salvatrice dans un système sclérosé et immobile.

Des journaux ont cité plusieurs proches du pape, comme l'ex-gouvernante, traductrice et amie de Joseph Ratzinger, Ingrid Stampa, qui aurait été en liaison avec Gabriele. Mais le Vatican a opposé de très fermes démentis.