Le majordome du pape et un informaticien du Vatican seront jugés par un tribunal dans le scandale «Vatileaks», mais l'enquête évoque par les initiales X et W deux mystérieux autres complices possibles, démentant ainsi que Gabriele ait agi seul.

Le porte-parole du Saint-Siège, le jésuite Federico Lombardi, a distribué, à la foule des journalistes, le réquisitoire très attendu du procureur Nicola Picardi et la décision du juge d'instruction Piero Bonnet, après des mois d'enquête sur «Vatileaks».

Gabriele, principal accusé pour vol aggravé, n'est plus seul. Un informaticien du secrétariat d'État, Claudio Sciarpelletti, accusé de recel, dont ni le Vatican ni la presse n'avaient jamais parlé, sera jugé avec lui.

«C'est une réalité très ample et complexe. L'enquête reste ouverte à l'égard d'autres personnes qui apparaissent impliquées», a annoncé le père jésuite.

Dans le jugement de renvoi, sont cités deux personnages mystérieux, qui auraient servi d'intermédiaires entre Gabriele et Scharpelletti pour le transit des documents. Ce sont les deux accusés qui les évoquent dans les interrogatoires. Les deux noms ont été occultés comme tous les autres témoins, pour éviter que de simples suspects soient présumés coupables. Ils sont appelés X et W.

Le procès public, une première au Vatican, ne devrait pas avoir lieu avant le 20 septembre.

Accusé de vol aggravé, le majordome risque entre un et six ans de prison. L'informaticien poursuivi pour recel «ne risque rien ou peu», a dit le père Lombardi.

«Le pape a reçu ces documents. Il y a une claire volonté de sa part de respecter les résultats de l'enquête». En conséquence, «la ligne très vraisemblable est qu'un procès public aura lieu» au Vatican, a-t-il ajouté, tout en confirmant que Gabriele a demandé pardon au pape par écrit.

Paolo Gabriele, 46 ans, arrêté le 23 mai, a été assigné à son domicile au Vatican le 21 juillet après 53 jours de détention dans une cellule du palais de justice, derrière la basilique Saint-Pierre.

Des expertises sur son état mental ont révélé une personnalité fragile, angoissée, psychorigide.

L'implication de Sciarpelletti, incarcéré fin mai le temps d'une nuit avant d'être relâché, et dont le «rôle» aurait été «marginal», est la principale nouveauté.

Son arrestation a été motivée par la découverte dans le tiroir de son bureau d'une enveloppe contenant des documents liés au majordome.

Gabriele est poursuivi pour avoir pris sur le bureau du secrétaire particulier du pape, Mgr Georg Gänswein, un grand nombre de lettres et courriels ultra-secrets, dont certains adressés à Joseph Ratzinger, et de les avoir photocopiés pour les transmettre à l'extérieur.

Mis devant ses responsabilités par Mgr Gänswein, Gabriele a répondu que «le bouc émissaire était ainsi trouvé», en ajoutant «très froidement qu'il était serein, ayant la conscience tranquille», a rapporté le juge d'instruction.

Gabriele, marié et père de trois enfants, homme pieux et discret, qui a la nationalité vaticane, avait commencé à travailler pour le pape en 2006 comme majordome. Il était chargé de lui préparer ses habits de cérémonie et l'accompagnait dans la papamobile.

Parmi les objets saisis au milieu d'une masse de documents entreposés dans «le plus grand désordre» dans l'appartement de Gabriele, a été retrouvé un chèque de 100.000 euros libellé au nom du pape, une pépite d'or et une édition précieuse de l'Enéïde datant de 1581 offertes au Saint-Père.

L'un de ses deux avocats, Me Carlo Fusco a affirmé récemment que le majordome avait voulu, seul, «aider» le pape par «amour» et rendre «l'Église plus vivante», une hypothèse désormais improbable.

Les investigations se poursuivent à deux niveaux: une enquête interne menée par une commission de trois cardinaux -- qui peut interroger d'autres cardinaux -- (dont les résultats remis au pape n'ont pas été publiés) et l'enquête judiciaire.

Ce scandale a donné lieu à toutes sortes d'hypothèses dans les médias italiens, qui ont parlé de l'implication de cardinaux dans un complot, visant à mettre sur la touche le numéro deux du Vatican Tarcisio Bertone. Cette thèse n'a reçu aucune confirmation du Vatican.

En publiant au printemps le livre-choc «Sua Santita» qui rassemblait nombre des documents subtilisés, le journaliste italien Gianluigi Nuzzi avait affirmé qu'ils provenaient d'un groupe de personnes «vivant, travaillant au Vatican et partageant une même perplexité et les mêmes critiques».